Cascade de jeunesse

de Dhondup Gyal

dimanche 21 décembre 2008 par Rédaction

Il s’appelle Dhondup Gyal, il est né au Tibet en 1953 à Gurong Phuba dans la région de l’Amdo, mort en novembre 1985 à 32 ans. C’est l’un des écrivains les plus célébres de la fin du XXème siècle dans l’histoire du Tibet. Il est le fondateur de la litérature moderne tibétaine et a effectué des recherches sur l’histoire et les traditions anciennes de ce pays, étudié les écrits de ses ancêtres, puis les a enseignés à la nouvelle génération. Son souhait le plus cher au monde était que le peuple tibétain retrouve sa force et sa culture.
A 32 ans, il s’est suicidé, en espèrant que ce geste attirerait l’attention sur son œuvre patriotique et amène les Tibétains à prendre conscience de leur richesse culturelle.
Il nous a laissé 6 livres : écrits historiques, romans, poésies, traductions de littérature étrangère...
Il est sans doute l’équivalent de Victor Hugo ou Chateaubriand pour ses romans, Baudelaire ou Rimbaud pour ses poésie et Maupassant pour ses nouvelles !

NB Certains mots ont volontairement été omis dans la traduction, qui n’en rendrait pas le rythme


"Cascade de jeunesse"

Le ciel bleu clair,
La chaleur du soleil,
Le parfum des fleurs,
La montagne majestueuse,

Aima !

Mais beaucoup plus beau que tout cela,
Une cascade de jeunesse
D’une falaise abrupte.

Regarde !

Rayons brillants, blanc pur,
Déployés comme les plumes du paon,
Le plumage du perroquet,
Les motifs sur brocard de soie.

Écoute !

Le bruit de l’eau jaillissant,
Clair et plaisant,
La musique d’ange,
Mélodie sans taches,
La musique des dieux,
Pure depuis la source,

Kyi !

Ce n’est pas une cascade ordinaire,
Elle possède une qualité majestueuse,
Un cœur intrépide,
D’un incomparable orgueil,
Un puissant corps,
Orné de bijoux magnifiques,
Musique des plus mélodieuses.

Tout cela !

La cascade torrentielle,
La glorieuse jeunesse du pays des neiges.

Tout cela !

En l’année mille neuf cent quatre-vingts,
Le pouvoir du cœur et la créativité
De la jeunesse tibétaine,
La lutte pour la dignité,
La musique de la jeunesse.

Kyi ! Kyi !

Ô ! Jeunesse en cascade,
Cascade de jeunesse.

Où as-tu obtenu le cœur intrépide,
La confiance incommensurable,
Une inflexible fierté,

Une puissance infinie ?

Oui !

La pluie pendant les trois mois du printemps,
Les nouvelles récoltes pendant les trois mois d’été,
Les grêles et les orages pendant les trois mois d’automne,
La glace et la neige pendant les trois mois d’hiver.

Et plus !

Eau de la montagne, prairie, vallée, ravin…

En résumé !

L’eau prometteuse,
L’eau de la prospérité,
L’eau de la réalisation,
L’eau de la perfection,
L’eau aux huit puretés.

Les mille et une qualités de l’eau.

Tu es l’eau de l’amitié,
Tu as l’audace de t’élancer
De la falaise féroce,
Tu es l’eau universelle,
Tu bondis avec courage dans la vallée en bas,
Fière de prendre ce qui est nouveau.

Tu as une ouverture d’esprit, un corps puissant,
Et une apparence majestueuse,
Sans arrogance et sans souillure.
Ta source est profonde,
Ayant rejeté toute impureté,
Ton esprit est sans taches,
Ta jeunesse une splendeur.

Cascade !

Tu es témoin de l’histoire,
Le chemin du futur.
La respiration et le soulèvement du pays des neiges est écrit sur chacune de tes gouttes.
L’essor et le développement du pays des neiges
Brille en chacun de tes rayons.

Sans toi !

Où peut-on acérer l’épée du langage,
Où peut-on aiguiser l’épée de notre habileté.

Sans toi !

L’arbre de la médecine ne peut pas fleurir,
La philosophie et le bouddhisme ne peuvent pas porter de fruit.

Peut-être !

S’attardant dans ton esprit de cristal,
Les blessures de l’histoire,
Le s cicatrices d’anciennes batailles,
Les lésions de l’ignorance,
Rien n’est possible.

Pourquoi !

Tu possèdes fierté, majesté, et force de jeunesse.
Tu ne laisseras jamais la glace de l’hiver t’arrêter ou engourdir ton esprit,
Cent entailles d’une épée courroucée ne peut arrêter ton courant.

Pourquoi !

La source de la cascade réside dans les neiges profondes,
Elle se termine dans le vaste océan.
Ton histoire est longue,
Elle donne naissance à la fierté et à la dignité,
Ton refrain du temps est mélodieux,
notre inspiration est puissante.

Es-ce que tu entends ? Cascade !

Les questions des jeunes du Pays des neiges !

Comment peux-tu laisser le cheval d’un poète souffrir de soif ?
Comment peux-tu laisser l’éléphant de la composition souffrir de la chaleur ?
Comment peux-tu laisser le lion des neiges de la métaphore se couvrir de souillures ?
Comment peux-tu ne pas nourrir l’orphelin de la danse et de la musique ?
Qui va maintenir l’héritage de l’astrologie ?
Qui va accueillir la science ?
Qui va épouser la technologie ?

Hélas, cascade !

Tes réponses claires, lumineuses, harmonieuses vont atteindre nos oreilles.
Elles sont incisées dans notre esprit comme une sculpture sur une roche.

En vérité !

Les mille brillants accomplissements du passé
Ne peuvent servir aujourd’hui.
L’eau salée d’hier ne peut désaltérer la soif d’aujourd’hui.
Le corps flétri de l’histoire est sans vie.
Sans l’âme d’aujourd’hui,
Le pouls du progrès ne battra pas,
Le sang du progrès ne coulera pas,
Un pas en avant ne pourra être fait.

Ô ! Cascade !

Tes douces rides,
Gouttelettes de ton eau jaillissante,
Tu es le symbole de la force de la nouvelle génération du Pays des neiges,
Ton torrent, tes bruits de tonnerre
Sont les nôtres !

Tu montres l’espoir de la nouvelle génération,
Notre génération ne doit pas emprunter ces chemins :
Conservatisme, isolationnisme, ignorance, torpeur,
Retard, barbarisme et réactionnisme.
Ceci n’a pas de fondations dans notre Pays des neiges.

Cascade ! cascade !

Nos esprits vont suivre ton cours,
Notre sang coulera comme le tien,
Dans le cours du temps à venir,
Quelle que soit la difficulté du chemin
Jeunesse tibétaine, abandonne la peur.

Notre peuple !
Un nouveau chemin s’ouvre devant toi,

Regarde !

La nouvelle génération du pays des neiges,
Marche ensemble,

Écoute !

Ce chant harmonieux
Est l’hymne de la jeunesse du pays des neiges,
Sa brillante route
Celle de la fierté de la responsabilité,
Vie joyeuse,
Chant des luttes.

La cascade de jeunesse ne va pas diminuer,
L’eau jamais ne deviendra impure.

C’en est ainsi !

La cascade jaillit des jeunes voix tibétaines.

C’en est ainsi !

La cascade coule des jeunes esprits du Pays des neiges ! !

Par Dhondup Gyal


NB Ce poème avait été publié dans la Lettre du Tibet n° 74, d’avril 2004.
- Traduction en francais : Youngdrung Tsering, qui en faisait le commentaire suivant :
"Cette poésie est très célèbre au Tibet, c’est la première poésie moderne dans notre pays. Elle a été écrite en 1981, après la révolution culturelle. Vous savez peut-être qu’après cette tragique période, un nouvel élan pour la culture tibétaine est né : la jeunesse doit se réveiller, étudier, comprendre la culture du pays des neiges, et cela avec la force et la puissance d’une cascade. Cette poésie appartient à ce mouvement".

- Version anglaise : Waterfall of Youth


Cette poésie est publiée dans l’ouvrage Torrents of Youth and Selected Writings contenant une introduction biographique par Pema Bhum.
Textes en tibétain, 1993, 249 pages
ISBN 81-86227-05-9

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