Gonpo Trinley raconte son séjour dans la prison de Deyang, au Sichuan

mercredi 24 septembre 2014 par Rédaction , Monique Dorizon

Les prisonniers politiques tibétains de la tristement célèbre prison de Deyang, Huang Xu [1], province du Sichuan, sont obligés de travailler pendant de longues heures, isolés les uns des autres et agressés par les gardes chinois hans, raconte un ancien détenu exilé en Inde depuis quelques semaines.

Gonpo Trinley est âgé de 25 ans. Il est originaire du village n° 7 de la municipalité de Serkhar, Comté de Kardzé [2]. Il a grandi dans une famille de paysans et a fréquenté l’école de la municipalité jusqu’à l’âge de 17 ans. A ce moment-là, il a rejoint le monastère de Sakya et est devenu moine.

Gonpo Trinley, avec son frère, a été placé en détention à Kardzé pour avoir manifesté contre les autorités chinoises devant les bureaux du poste de police du comté de Kardzé.
"Le 21 juin 2008, mon frère Nyida Sangpo et moi sommes allés au centre de la ville de Kardzé et avons commencé à manifester, exigeant la liberté pour le Tibet et demandant le retour du Dalaï Lama", raconte-t-il.
Ils ont aussi distribué des tracts. En quelques minutes, la police populaire armée est arrivée et a frappé les deux hommes. Puis ceux-ci ont été emmenés au centre de détention du comté.

Gonpo Trinley et Nyida Sangpo ont été interrogés. Pendant 2 heures, ils ont été constamment battus. La police attendait qu’ils avouent que leur manifestation avait été préparée par une organisation plus importante. Après l’interrogatoire, ils ont été mis dans des cellules différentes.
Au cours des six mois de détention à Kardzé, les deux hommes ont été régulièrement sévèrement battus. Gonpo Trinley n’est sorti à l’extérieur et n’a vu le soleil que lorsqu’il était emmené pour l’interrogatoire mensuel.
Après 6 mois de mise à l’isolement, Gonpo Trinley et 14 autres, dont Nyida Sangpo, ont été exhibés dans la ville. Par haut-parleurs, les autorités ont annoncé qu’elles allaient "frapper fort contre les criminels". La parade terminée, 9 des 15 détenus ont été transférés dans le comté de Dartsedo [3].

"Après cela, j’ai été transféré dans le comté de Dartsedo, où j’ai été détenu pendant trois mois, puis j’ai été condamné à deux ans et demi de prison par la Cour intermédiaire populaire de Dartsedo et envoyé à Deyang".
Gonpo Trinley a été condamné à la "rééducation par le travail" (laogaï) et à la suppression de ses droits politiques pendant 2 ans pour "incitation à la scission du pays".
Nyida Sangpo a été condamné à 3 ans de prison.

"Le temps passé dans cette prison a été le pire moment de ma vie", rapporte Gonpo Trinley. "Je prie et espère ne jamais avoir à connaître à nouveau quoi que ce soit de cette sorte".
Cette prison est située à environ 2 heures de Chengdu, province du Sichuan. Gonpo Trinley estime qu’il y avait 2 700 prisonniers dont 45 Tibétains. Du fait de la surveillance, il était presque impossible pour les Tibétains de se retrouver.
"Chacun de nous était surveillé par quatre détenus chinois, et nous n’avons pas été autorisés à parler entre nous", rapporte Gonpo Trinley.
Celui-ci était détenu avec 300 autres prisonniers dans l’unité n° 3. Il y avait 6 autres Tibétains dans cette unité et les autres Tibétains étaient répartis dans les autres unités.

Le principal travail des détenus de Deyang "est de fabriquer des chaussures", a déclaré Gonpo Trinley, ajoutant : "Nous prisonniers tibétains, devions fabriquer deux fois plus de chaussures que les prisonniers chinois".
Les prisonniers tibétains étaient "forcés de travailler tout le temps" et discriminés en se voyant accorder le double des tâches assignées aux détenus chinois han.
Chaque jour de 8h à 17h, ils travaillaient, s’interrompant seulement pour le déjeuner. Le travail se faisait à la chaîne, chacun faisant une partie de chaque chaussure. Si à la fin de la journée, l’unité de travail n’avait pas atteint son quota, chacun devait rester debout pendant 2 heures.
"Notre nourriture était mauvaise, il nous a manqué de la literie correcte, nous étions souvent battus, et la plupart d’entre nous sommes tombés malades en détention", a raconté Gonpo Trinley.
"La nourriture était maigre. Pour le petit déjeuner nous avions un petit pain et du porridge de riz à l’eau ; pour le déjeuner et le dîner, du riz et des légumes". Ils n’avaient jamais assez à manger.
Chaque jour, les prisonniers tibétains devaient suivre une heure "d’éducation politique" qui consistait à regarder les chaînes d’informations de la télévision gouvernementale. Ensuite, il fallait écouter les explications données par un fonctionnaire de la prison sur les problèmes posés par quelques unes de ces informations.
"Nous les Tibétains, avons reçu des ordres particuliers de « changer notre façon de penser »", dit Gonpo Trinley.

Une fois par mois, pendant 15 minutes, les prisonniers étaient autorisés à voir leurs parents ou leurs proches. Ils ne pouvaient leur parler qu’au téléphone, à travers une vitre.

Gonpo Trinley a été libéré le 20 octobre 2010.
Lors de son retour chez lui, il a été reçu chaleureusement par les habitants et les moines de son monastère. Mais après sa sortie de prison, il n’était pas complètement libre. Il n’a pas pu reprendre ses études, ni rejoindre son monastère. Les autorités locales lui ont interdit de sortir de la municipalité de Serkhar sans permission.
Gonpo Trinley était constamment surveillé et devait très souvent se présenter au Bureau de la Sécurité publique. Chaque semaine, il devait rendre des comptes sur ses activités et ses déplacements au bureau de la Sécurité publique du comté.
Un jour, il est parti de chez lui pour un pèlerinage aux monastères des comtés de Sertha [4] et Derge [5]. Prolongeant son voyage, Gonpo Trinley est arrivé au Népal le 1er juillet 2014 et a atteint Dharamsala le 2 août 2014.
En exil, il a emmené avec lui une liste de 45 Tibétains détenus à Deyang alors qu’il y était.

Trente-cinq d’entre eux ont été libérés après avoir purgé de trois à six ans de prison, mais 10 sont encore là-bas, dont deux identifiés comme Pema Yeshe et Sonam Gonpo qui purgent des peines de prison à vie, les autres purgent des peines allant de 7 à 16 ans.
"Des prisonniers politiques tibétains de la province (voisine) du Qinghai ont été récemment déplacés à Deyang, maintenant il y a encore plus de Tibétains là-bas", dit Gonpo Trinley.

Sources : Tibetan centre for Human Rights and Democracy, 13 août 2014, et Radio Free Asia, 10 septembre 2014.

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[1] Localiser Huang Xu, à Deyang, sur cette carte.

[2] Kardzé (དཀར་མཛེས་ en tibétain, Ganzi ou 甘孜 en chinois), parfois écrit Garzé, est situé dans la région tibétaine du Kham, actuelle province chinoise du Sichuan. Localiser Kardzé (Garzé) sur cette carte.

[3] Dartsedo (དར་རྩེ་་མདོ་, Dhartsedo ou Dardo en tibétain, Kangding, 康定县 en chinois), autrefois appelé en français Tatsienlou, est le chef-lieu de la "Préfecture Autonome Tibétaine" de Kardzé.
Google Maps nomme de façon trompeuse Kangding "Garze" en raison de son rôle de Préfecture.
Localiser Dartsédo (Garze) sur cette carte.

[4] Sèrtar (ou Serthar), (གསེར་ཐར་ en tibétain, Séda ou 色达县 en chinois) est un district de la "Préfecture Autonome Tibétaine de Kardzé", dans la région tibétaine du Kham, actuelle province chinoise du Sichuan.
Localiser Sèrtar sur cette carte.

[5] Dergé, Dege (སྡེ་དགེ་ en tibétain, 德格县) en chinois, est un district de la "Préfecture Autonome Tibétaine" de Kardzé, au nord de la région tibétaine du Kham, proche de l’Amdo, province chinoise actuelle du Sichuan.
Localiser Dergé sur cette carte.


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