La pression monte au monastère de Labrang après l’ordre d’expulsion de certains moines

vendredi 22 mars 2013 par Rédaction , Monique Dorizon

En 2012, les autorités chinoises de la province du Gansu ont émis une ordonnance d’expulsion des moines venus de régions tibétaines hors du Gansu, les empêchant de poursuivre leurs études religieuses dans les monastères (dont le monastère de Labrang, Tashikyil [1]) situés dans la province.

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Monastère de Labrang en 2007.
© Tibet-info.net, (CL07-259)

Cela a été révélé par Samten Jigme [2], ancien moine du monastère de Labrang, dans son témoignage auprès du Tibetan Centre for Human Rights and Democracy à Dharamsala. Samten Jigme a fui le Tibet et est arrivé en Inde ce mois-ci.
L’ordonnance est actuellement exécutée au monastère de Rongwo [3], selon Samten Jigme.

Samten Jigme a précisé qu’il y a près de 1 300 moines au monastère de Labrang, mais que le nombre peut être réduit à 999, limite fixée par les autorités chinoises. Le monastère n’est pas autorisé à dépasser 1 000 en population totale de moines.
Jusqu’à présent, l’arrêté d’expulsion n’a pas été mis en œuvre dans son intégralité à Labrang alors que l’abbé du monastère, membre de l’Association des bouddhistes de Chine (BAC), (organisme du Parti qui contrôle et gère le bouddhisme en République populaire de Chine) en avait fait la demande à plusieurs reprises au gouvernement chinois.

Malgré tout, l’application de cette ordonnance a créé un certain nombre de problèmes pratiques. De nombreux moines importants à Labrang tels que les geshés, professeurs d’écriture, surveillants, etc., sont originaires de régions extérieures au Gansu. Leur expulsion affecterait directement le fonctionnement normal du monastère particulièrement les études et l’éducation bouddhistes, laissant les moines sans enseignants. Au début de cette année, ces moines de haut rang ont reçu l’ordre de demander un permis de résidence (tib : themtho) pour continuer à vivre et travailler à Labrang.
Cependant, cette option n’est pas possible pour d’autres moines ordinaires du monastère de Labrang, susceptibles d’être expulsés bientôt.

En outre, il y a 270 moines ayant attendu depuis trois ou quatre ans pour se présenter aux examens d’entrée permettant leur admission à Labrang. Les autorités chinoises n’ont pas encore accordé la permission de se présenter aux examens. Il y a peu de doute que les autorités vont volontairement retarder les examens d’entrée.

Le monastère de Labrang est un choix apprécié par de nombreux moines tibétains en tant que siège de l’apprentissage bouddhiste de haut niveau. Le monastère a attiré des moines de toutes les régions du plateau tibétain. Ces dernières années, les demandes d’inscription à Labrang ont augmenté à la suite des campagnes d’expulsion généralisées menées dans les grands monastères de Lhassa et dans d’autres monastères des régions tibétaines en dehors de la "Région Autonome du Tibet".
A la suite des manifestations de 2008 au Tibet, les autorités chinoises à Lhassa ont émis un ordre similaire ayant conduit à la répression sévère et l’expulsion des moines de monastères importants situés dans la capitale tibétaine Lhassa. Les moines venus de régions tibétaines en dehors de la "Région Autonome du Tibet" ont été expulsés ou renvoyés dans leur village d’origine.

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Kumbum Jampa Ling, mars 2007.
© Photo Tibet info (cl06-12_0300)

Au monastère de Kumbum dans la province du Qinghai, autre ancien monastère de la province tibétaine de l’Amdo, il y a environ 700 moines qui bénéficient d’un processus d’admission relativement clément. Mais, la transformation sans restriction de Kumbum en une affaire d’argent rapidement gagné grâce au tourisme, a une incidence sur les normes d’éducation religieuse, amenant ainsi de nombreux moines sérieux à demander l’admission au monastère voisin de Labrang. Le monastère de Kumbum est devenu une destination touristique dans la province du Qinghai après que le gouvernement chinois ait dépensé des millions pour embellir ses structures pour la consommation touristique, mais l’embellissement de Kumbum n’a pas réussi à attirer les étudiants sérieux du dharma.

A son tour, le gouvernement chinois a commencé à frapper Labrang, limitant les moines à leur province. Dans ce cas précis, les moines du Qinghai étudiant au Gansu risquent une expulsion imminente.
Samten Jigme a ajouté que la fréquence et l’intensité des cours d’éducation politique à Labrang ont progressé au cours des derniers mois, avec des cours donnés deux à trois fois par mois. Habituellement, les membres du "comité de l’équipe de travail" viennent au monastère pour faire les cours. Cependant, après avoir fait face à une vive opposition et à une non-coopération de la part des moines, les autorités chinoises ont mis au point une autre stratégie.
Aujourd’hui, ils forcent les moines de haut rang du monastère et le personnel tels que les geshés, abbés et professeurs à enseigner l’éducation politique aux moines. La stratégie d’utilisation des moines supérieurs pour endoctriner politiquement les jeunes moines est maintenant appliquée dans de nombreuses autres régions du Tibet. Par exemple, en janvier de cette année, un groupe de 30 moines tibétains de haut rang de grands monastères de la "Région Autonome du Tibet" a été emmené à la Préfecture de Nagchu par la branche de la BAC de la "Région Autonome du Tibet" afin de donner une éducation politique sous couvert "d’enseignement religieux" dans des monastères tels que celui de Bekar à Driru [4].

Rappelant un discours quelque peu apologétique donné par l’abbé de Labrang en 2009, Samten Jigme rappelle que, lors d’une réunion des moines, l’abbé avait dit son souhait sincère de sauver Labrang du destin connu par beaucoup d’autres grands monastères forcés d’exécuter les ordres du gouvernement chinois. Beaucoup de grands monastères tibétains tels que Sera, Drepung et Ganden à Lhassa et le monastère de Kirti à Ngaba continuent de souffrir de fréquentes mesures répressives entraînant la perturbation des cours de religion normaux et l’augmentation des cas de détention, les disparitions, la torture et l’emprisonnement.
L’abbé faisait référence à la distribution de littérature de propagande anti Dalaï Lama (dans laquelle il avait pris une part active, quoique involontairement) par les autorités chinoises à Labrang, suite à la manifestation de 2008. La littérature de propagande accusait le Dalaï Lama et la "clique du Dalaï" d’avoir provoqué la manifestation de 2008.

La participation de l’abbé du monastère dans la campagne anti Dalaï Lama avait détourné de lui et changé les opinions de nombreux moines, et à l’époque, certains écrivains tibétains avaient exprimé ouvertement leur opposition à travers leurs écrits.

Source : TCHRD, 20 mars 2013, The Tibet Post International, 21 mars 2013.

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[1] Le monastère de Labrang Tashikhyel, l’un des plus célèbres monastères tibétains, est situé dans le Comté de Sangchu (བསང་ཆུ་ en tibétain), aujourd’hui nommé Xiahe Xian ou 拉卜楞寺 en chinois, et peut être localisé sur cette carte.

[2] Samten Jigme : pour des raisons de sécurité, ce nom a été changé

[3] Rebkong ( རེབ་གོང་ en tibétain, Tongren ou 同仁县 en chinois), est situé dans la "Préfecture Autonome Tibétaine de Huangnan (Malho en tibétain)", région tibétaine de l’Amdo et dans l’actuelle province chinoise du Qinghai. Localiser Rebkong (Tongren ou Huangnan) sur cette carte.

[4] Driru, འབྲི་རུ་ en tibétain, ou Biru, 比如县 en chinois, est à une centaine de kms à l’est de Nagchu (en chinois Nagqu, 那曲地区). Driru, dont le nom signifie "femelle du yack", est un district dans une région accidentée au nord de la "Région Autonome du Tibet" (4 500 m d’alt. environ), près de la rivière Salouen (Nu Jiang, 怒江, en chinois).
Localiser Driru sur cette carte.


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