Note explicative du Mémorandum sur l’autonomie véritable pour le peuple tibétain

vendredi 19 février 2010 par Rédaction

En novembre 2008, lors de la 8ème rencontre sino-tibétaine et sur les demandes de la partie chinoise, les émissaires de Sa Sainteté le Dalaï Lama ont présenté le dossier sur les modalités de l’autonomie réelle souhaitée par le peuple tibétain. Ce dossier appelé "Mémorandum sur l’autonomie véritable pour le peuple tibétain" [1] a été ensuite diffusé publiquement en novembre 2008.
Mais le gouvernement chinois a rejeté net ce dossier et plusieurs accusations ont été lancées contre Sa Sainteté le Dalaï Lama et ses émissaires.
Afin de clarifier un certain nombre de points évoqués dans le Mémorandum, l’Administration en exil, vient de publier une "Note explicative du Mémorandum sur l’autonomie véritable pour le peuple tibétain"
En voici la version française.


Note explicative du Mémorandum sur l’autonomie véritable pour le peuple tibétain
Publiée par l’Administration centrale tibétaine, Dharamsala, Inde
Date de référence : le 3 février 2010

Introduction

La présente note traite des inquiétudes et des objections soulevées par le gouvernement central chinois [2] quant au contenu du mémorandum sur l’autonomie véritable pour le peuple tibétain (désigné ci-après en tant que "Mémorandum" ) qui a été présenté au gouvernement de la République populaire de Chine (RPC) le 31 octobre 2008, lors de la huitième série de pourparlers à Pékin [3].
Ayant soigneusement étudié les réponses et les réactions du Ministre Du Qinglin et du Vice-ministre adjoint Zhu Weiqun lors de ces entretiens, la note écrite comprise, ainsi que les déclarations du gouvernement central chinois après ces pourparlers, il semble que certains points soulevés par le Mémorandum ont été mal compris par le gouvernement central chinois.
Le gouvernement central chinois maintient que le Mémorandum contredit la Constitution de la RPC ainsi que les "trois adhésions" [4]. Les Tibétains croient possible de remplir leurs besoins, tels qu’énoncés dans le Mémorandum, dans le cadre de la Constitution et de ses principes sur l’autonomie et que ces propositions ne contreviennent pas, ni n’entrent en conflit avec les "trois adhésions". Nous pensons que la présente note explicative contribuera à clarifier cela.

Sa Sainteté le Dalaï Lama a entamé des discussions internes dès 1974 [3] pour trouver un moyen de résoudre la question du statut du Tibet par le biais d’un arrangement sur l’autonomie plutôt que de rechercher l’indépendance. En 1979, le dirigeant chinois Deng Xiaoping avait exprimé sa volonté de discuter et de résoudre toutes les questions, sauf l’indépendance du Tibet. Depuis lors, Sa Sainteté a entrepris bien des initiatives pour proposer une solution négociée mutuellement acceptable des deux côtés quant à la question du Tibet. Ce faisant, Sa Sainteté a scrupuleusement suivi son approche de la "Voie médiane", qui implique la recherche d’une solution négociée, acceptable par les deux parties et mutuellement bénéfique, et ce, dans un esprit de réconciliation et de compromis. Le plan de paix en cinq points et la Proposition de Strasbourg ont été présentés dans cet esprit. N’arrivant pas à obtenir de réponse positive de la part du gouvernement central chinois face à ces initiatives, ceci ajouté à l’entrée en vigueur de la loi martiale en mars 1989 et la détérioration de la situation au Tibet, Sa Sainteté a dû décréter l’inefficacité de sa Proposition de Strasbourg. Sa Sainteté a néanmoins maintenu son engagement à l’approche de la "Voie médiane".

La reprise du processus de dialogue entre le gouvernement central chinois et les représentants de Sa Sainteté le Dalaï Lama en 2002 a permis à chaque partie d’expliquer ses positions et d’avoir une meilleure compréhension des préoccupations, des besoins et des intérêts de l’autre partie. De plus, prenant en considération les réelles préoccupations, besoins et intérêts du gouvernement central chinois, Sa Sainteté a beaucoup réfléchi, en considérant tous les aspects, à la réalité de la situation. Cela démontre que Sa Sainteté est souple, ouverte, pragmatique et avant toute chose, sincère et déterminée à trouver une solution mutuellement bénéfique.

Le Mémorandum sur l’autonomie véritable pour le peuple tibétain a été préparé en réponse à la suggestion du gouvernement central chinois lors de la septième série de pourparlers, en juillet 2008 [5]. Cependant, les réactions et les principales critiques du gouvernement central chinois sur le Mémorandum semblent davantage basées sur des propositions antérieures, rendues publiques, et sur d’autres déclarations faites à d’autres moments dans d’autres contextes, plutôt que sur les mérites de cette proposition-ci qui lui a été présentée officiellement.

Le Mémorandum et la présente note explicative soulignent fermement que Sa Sainteté le Dalaï Lama ne recherche pas l’indépendance et la séparation mais une solution dans le cadre de la Constitution et de ses principes sur l’autonomie, ce qui a été réitéré de nombreuses fois par le passé.

L’Assemblée générale extraordinaire de la diaspora tibétaine qui s’est tenue en novembre 2008 à Dharamsala [6] a, pour la première fois, confirmé le mandat pour la poursuite du processus de dialogue avec la RPC selon l’approche de la "Voie médiane". De leur côté, les membres de la communauté internationale ont pressé les deux parties de retourner à la table des négociations. Beaucoup ont estimé que le Mémorandum constitue une bonne base pour le dialogue.

1. Respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RPC

Sa Sainteté le Dalaï Lama a plusieurs fois répété qu’il ne cherche pas la séparation du Tibet d’avec la République populaire de Chine et qu’il ne cherche pas l’indépendance du Tibet. Il souhaite une solution durable dans le cadre de la RPC. Cette position est édictée sans ambiguïté dans le Mémorandum.

Le Mémorandum appelle à exercer une autonomie véritable, ce qui exclut l’indépendance, une demie indépendance, ou encore une indépendance déguisée. Substantiellement, le Mémorandum, qui explique ce que signifie "autonomie véritable", rend la définition ambiguë et floue. La forme et le degré d’autonomie proposés par le Mémorandum sont conformes aux principes d’autonomie contenus dans la Constitution de la RPC. Des régions autonomes exercent une forme d’autogestion dans différentes régions du globe [7], comme proposé dans le Mémorandum, sans pour autant remettre en question ni menacer la souveraineté et ni l’unité de l’Etat dont elles font partie. Cela est vrai pour des régions autonomes au sein d’Etats unitaires aussi bien qu’à un modèle fédéral. Les observateurs de la situation, dont les dirigeants et des académiques politiques internationaux impartiaux, ont aussi reconnu que le Mémorandum constitue un appel à l’autonomie au sein de la RPC et non à la sécession ou à l’indépendance d’avec la Chine.

Le point de vue du gouvernement chinois sur l’histoire du Tibet diffère de celui des Tibétains et Sa Sainteté le Dalaï Lama a pleinement conscience que les Tibétains ne peuvent pas y souscrire. Les événements passés constituent l’histoire et on ne peut les altérer. Néanmoins, la position de Sa Sainteté est d’aller de l’avant, pas de s’agripper au passé. Elle ne souhaite pas faire des différences d’opinion sur l’histoire un obstacle dans la recherche d’un avenir commun mutuellement bénéfique dans le cadre de la RPC.

Les réponses du gouvernement central chinois au Mémorandum révèlent des soupçons persistants envers les propositions de Sa Sainteté le Dalaï Lama taxées d’être des initiatives tactiques pour faire progresser un agenda occulte pour l’indépendance. Sa Sainteté a conscience des inquiétudes et des sensibilités de la RPC relatives à la légitimité de la situation actuelle au Tibet. C’est pour cela que Sa Sainteté a envoyé, par le truchement de ses émissaires, et a publiquement déclaré qu’elle était prête à donner sa caution morale à un accord d’autonomie, une fois celui-ci atteint, avec la légitimité qu’il faudra à celui-ci pour gagner l’approbation populaire et être appliqué dans de bonnes conditions.

2. Respect de la Constitution de la RPC

Le Mémorandum stipule explicitement que l’autonomie véritable que Sa Sainteté le Dalaï Lama recherche pour les Tibétains se situe dans le cadre de la Constitution et de ses principes, et non en dehors.
Le principe fondamental soulignant le concept d’autonomie régionale nationale est la protection et la préservation de l’identité, de la langue, des coutumes, de la tradition et de la culture d’une minorité au sein d’un Etat fondé sur l’égalité et la coopération. La Constitution prévoit la possibilité d’établir des organes d’autogestion dans les foyers de forte concentration de minorités nationales, afin de pouvoir exercer leur autonomie. Eu égard à ce principe, le document de mai 2004, "Autonomie ethnique régionale au Tibet", stipule que les minorités nationales sont "arbitres de leur propre destinée et maîtres de leurs propres affaires" [8].

Dans le cadre des paramètres de ces principes sous-jacents, une constitution doit apporter des réponses aux besoins à un moment donné et s’adapter à un contexte modifié ou nouveau. Les dirigeants chinois ont démontré la souplesse de la Constitution de la RPC dans leur interprétation et l’application pour répondre à des évolutions de contexte. Appliquée à la situation tibétaine, cette souplesse, telle que décrite dans le Mémorandum, permettrait de remplir les besoins des Tibétains effectivement dans le cadre de la Constitution et de ses principes sur l’autonomie.

3. Respect des "trois adhésions"

Telle qu’exposée dans le Mémorandum, la position de Sa Sainteté le Dalaï Lama ne remet aucunement en question ni ne conteste la légitimité du Parti communiste chinois en RPC. Simultanément, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’afin de promouvoir l’unité, la stabilité et une société harmonieuse, le Parti change d’attitude vis-à-vis de la culture, la religion et l’identité tibétaines, les considérant comme une menace.
Le Mémorandum ne remet pas non plus en question le système socialiste de la RPC. Rien dans son contenu ne suggère une exigence de changement de système ou son exclusion des régions tibétaines. Pour ce qu’il en est de l’avis de Sa Sainteté sur le socialisme, il est de notoriété publique qu’elle a toujours été favorable à une économie et à une idéologie socialistes qui promeuvent l’égalité et qui permet aux franges les plus pauvres de la société de s’élever.

L’appel de Sa Sainteté pour une autonomie véritable au sein de la RPC reconnaît les principes d’autonomie pour les minorités nationales contenus dans la Constitution de la RPC et s’aligne sur les intentions déclarées de ces principes. Comme exprimé dans le Mémorandum, l’application actuelle des clauses sur l’autonomie ne résulte cependant effectivement qu’en un déni d’autonomie véritable pour les Tibétains et ne parvient pas à procurer aux Tibétains l’exercice de leur droit à se gouverner eux-mêmes et à être "maîtres de leurs propres affaires". Aujourd’hui, d’importantes décisions relatives au bien-être des Tibétains ne sont pas prises par les Tibétains. Appliquer l’autonomie véritable proposée et expliquée dans le Mémorandum leur assurerait la capacité d’exercer leur droit à une réelle autonomie et à ainsi devenir maîtres de leurs propres affaires, selon les principes constitutionnels d’autonomie.

4. Respect de la hiérarchie et de l’autorité du gouvernement central chinois

Les propositions contenues dans le Mémorandum n’impliquent aucunement un déni de l’autorité du Congrès national du Peuple (CNP), ni d’autres organes du gouvernement central chinois. Comme indiqué dans le Mémorandum, la proposition respecte entièrement les différences hiérarchiques entre le gouvernement central et ses organes ; dont le CNP et le gouvernement autonome du Tibet.
Toute forme d’autonomie véritable implique la division et l’attribution de certains pouvoirs et responsabilités (dont ceux de légiférer) par le gouvernement central au gouvernement local autonome. Naturellement, le pouvoir législatif se limite aux domaines de compétences de la région autonome. Cela est vrai aussi bien dans les Etats unitaires que dans ceux dont le système est fédéral.
Ce principe est aussi reconnu par la Constitution. L’esprit des clauses constitutionnelles relatives à l’autonomie vise à donner davantage de pouvoir aux régions autonomes à l’échelon local en matière de prise de décision sur et avant celui des provinces ordinaires. Mais aujourd’hui, les exigences pour une approbation préalable de la part du comité effectif du CNP en matière de textes législatifs des régions autonomes (article 116 de la Constitution [9]) s’exerce d’une telle manière que les régions autonomes se voient davantage retirer d’autorité décisionnelle, convenant pourtant aux contextes locaux, que les provinces ordinaires (non-autonomes) chinoises.

Quand il y a fragmentation et attribution du pouvoir décisionnel entre divers niveaux gouvernementaux (entre le gouvernement central chinois et le gouvernement autonome), il est important de disposer de processus de consultation et de coopération. Cela contribue à améliorer une compréhension mutuelle et à s’assurer que les contradictions et les divergences éventuelles contenues dans les politiques et les textes législatifs soient résolues. Cela réduit par ailleurs les risques de conflit découlant de l’exercice des pouvoirs attribués à différents organes gouvernementaux. De tels processus et mécanismes ne placent pas le gouvernement central et le gouvernement autonome sur le même pied d’égalité et n’impliquent pas un rejet de la légitimité du gouvernement central.
La caractéristique significative du retranchement des arrangements pour l’autonomie dans la Constitution, ou par d’autres voies adéquates, n’implique pas non plus une égalité de statuts entre le gouvernement central et le gouvernement local, ni ne restreint, ni n’affaiblit l’autorité du premier. Cette mesure vise à fournir une sécurité (légale) à la foi au gouvernement central et aux autorités locales pour qu’aucun ne puisse modifier unilatéralement les caractéristiques de base élaborées et assure qu’un processus consultatif doit avoir lieu pour valider tout changement de fond.

5. Préoccupation du gouvernement central chinois sur certaines compétences spécifiques mentionnées dans le Mémorandum

a) Sécurité publique
Dans le Mémorandum, une inquiétude a été exprimée quant à l’inclusion des aspects de sécurité publique dans le paquet de compétences attribué à la région autonome parce que le gouvernement semble interpréter cela en termes de défense. La défense nationale et la sécurité publique sont deux choses différentes. Sa Sainteté le Dalaï Lama est claire sur ce point : la responsabilité de la défense nationale relève et doit relever du gouvernement central de la RPC. Il ne s’agit pas d’une compétence pouvant être exercée par une région autonome. C’est effectivement le cas dans la plupart des aménagements d’autonomie. En fait, le Mémorandum mentionne spécifiquement la "sécurité et l’ordre public interne" et souligne le point important que la majorité du personnel de sécurité doit être tibétaine, plus à même de comprendre les coutumes et traditions locales. Cela aide à régler des incidents locaux pouvant mener à une désharmonie entre les nationalités. De ce point de vue, le Mémorandum s’aligne sur le principe énoncé dans l’article 120 de la Constitution [10] (et se retrouve aussi dans l’article 24 de la loi sur l’autonomie nationale régionale), qui stipule : "les organes d’autogestion des zones autonomes nationales peuvent, en accord avec le système militaire d’Etat et les besoins locaux concrets, approuvés par le Conseil d’Etat, organiser des forces de sécurité publiques locales pour maintenir l’ordre public". Dans ce contexte, il faut aussi souligner que le Mémorandum ne propose nulle part un retrait de l’Armée de Libération populaire (ALP) des zones tibétaines.

b) Langue
La protection, l’utilisation et le développement de la langue tibétaine figurent parmi les problèmes clefs pour l’application d’une autonomie véritable pour les Tibétains. Souligner le besoin de respecter le tibétain en tant que langue principale dans les zones tibétaines n’est pas polémique puisqu’une position similaire est exprimée dans le livre blanc du gouvernement central chinois sur l’Autonomie ethnique régionale au Tibet dans lequel sont décrites les législations adoptées par le gouvernement régional du Tibet qui prescrivent "qu’une attention égale doit être donnée aux langues tibétaine et chinoise Han dans la Région autonome du Tibet, la langue tibétaine étant la langue principale" (l’accent est mis). De plus, l’utilisation même de "langue principale" dans le Mémorandum implique clairement que d’autres langues sont également utilisées.
En l’absence, dans le Mémorandum, d’une exigence que le chinois soit aussi utilisé et enseigné ne doit pas être perçu comme une "exclusion" de cette langue puisqu’elle est la langue principale et commune à l’ensemble de la RPC. Il faut aussi remarquer que dans un tel contexte, le gouvernement en exil a encouragé les Tibétains en exil à apprendre le chinois.
Les propositions tibétaines appuyant l’étude de la propre langue du peuple tibétain ne doivent par conséquent pas être considérées comme des "points de vue séparatistes".

c) Législation sur la migration de la population
Le Mémorandum propose que le gouvernement local de la région autonome ait la compétence pour légiférer en termes de résidence, d’établissement et d’activités économiques ou d’emploi concernant les personnes extérieures désireuses de venir s’installer dans les zones tibétaines. C’est une caractéristique commune de l’autonomie et n’est sûrement pas sans précédent au sein de la RPC.
Un certain nombre de pays ont instauré des systèmes ou adopté des lois pour protéger les régions vulnérables ou autochtones et les populations indigènes de l’immigration excessive de la part des autres parties des pays. Le Mémorandum stipule explicitement qu’il ne suggère pas l’expulsion des non-tibétains qui vivent dans les zones tibétaines depuis des années. Sa Sainteté le Dalaï Lama et le Kashag ont aussi été très clairs dans leurs précédentes déclarations, comme l’ont été les émissaires au cours de leurs entretiens avec leurs homologues chinois. Lors de son discours au Parlement européen, le 4 décembre 2008 [11], Sa Sainteté le Dalaï Lama a réitéré qu’il n’était "pas dans nos intentions d’expulser les non-tibétains. Notre préoccupation, ce sont les flots massifs, principalement les Hans, mais aussi d’autres nationalités, dans les zones tibétaines, ce qui marginalise la population tibétaine d’origine et menace l’environnement fragile du Tibet". A partir de cela, il est évident que Sa Sainteté ne suggère aucunement que le Tibet soit exclusivement peuplé de Tibétains, alors que d’autres nationalités n’auraient pas ce privilège. Le problème concerne la division adéquate des pouvoirs en termes de régulation de la population de passage, des travailleurs saisonniers et des nouveaux colons afin de protéger la population autochtone fragilisée dans les zones tibétaines.

Répondant au Mémorandum, le gouvernement central chinois a rejeté la proposition selon laquelle toutes les autorités réguleraient l’entrée et les activités économiques des personnes en provenance d’autres régions de la RPC, en partie parce qu’ "il n’y a, dans la Constitution et dans la loi sur l’autonomie nationale régionale, aucune clause restreignant les mouvements de population". En fait, la loi sur l’autonomie nationale régionale autorise une telle législation dans son article 43 : "Respectivement aux stipulations légales, les organes d’autogestion des zones autonomes nationales trouveront des mesures de contrôle des mouvements de population".
Ainsi, la proposition tibétaine contenue dans le Mémorandum sur ce point n’est pas incompatible avec la Constitution.

d) Religion
La liberté octroyée aux Tibétains de pratiquer leur religion selon leurs propres croyances, comme indiqué dans le Mémorandum, est entièrement compatible avec les principes de liberté religieuse inscrits dans la Constitution chinoise. Elle est également compatible avec les principes de séparation de religion et de l’Etat, adoptés par bien des pays à travers le monde.
L’article 36 de la Constitution [12] garantit que personne ne peut "obliger les citoyens à embrasser ou à ne pas embrasser une religion". Nous approuvons ce principe mais nous observons qu’aujourd’hui, les autorités gouvernementales interfèrent de manière importante avec la possibilité des Tibétains de pratiquer leur religion.
La relation spirituelle entre enseignant et disciple, les enseignements religieux etc. sont des composantes essentielles à la pratique du Dharma. Les restreindre constitue une violation de la liberté religieuse. De même, l’interférence et l’implication directe de l’Etat et de ses institutions dans la reconnaissance des réincarnations des lamas adoptée par l’Etat le 18 juillet 2007 [13], sont des violations sérieuses de la liberté de croyance religieuse inscrite dans la Constitution.
Exercer sa religion est une pratique commune et fondamentale pour les Tibétains. Plutôt que d’envisager la pratique bouddhique comme une menace, les autorités concernées doivent la respecter. Traditionnellement et historiquement, le bouddhisme a toujours été un facteur positif et unificateur majeur entre Tibétains et Chinois.

e) Administration unique
Le souhait des Tibétains d’être réunis sous une région autonome unique concorde tout à fait avec les principes constitutionnels d’autonomie. Les raisons derrière le besoin de respecter l’intégrité de la nationalité tibétaine est clairement définie dans le Mémorandum et ne signifie pas "Grand ou Petit Tibet". En fait, comme indiqué dans le Mémorandum, la loi sur l’autonomie nationale régionale elle-même permet ce type de modification des limites administratives si l’on observe les procédures adéquates. La proposition ne viole donc aucunement la Constitution.
Comme l’ont indiqué les émissaires lors des séries de pourparlers antérieures, beaucoup de dirigeants chinois, dont le Premier ministre Zhou En Laï, le Vice-premier ministre Chen Yi et le Secrétaire du Parti Hu Yaobang, ont soutenu la possibilité de réunir toutes les zones tibétaines en une administration unique. Certains des plus hauts responsables tibétains au sein de la RPC, dont le 10ème Panchen Lama, Ngapo Ngawang Jigme et Phuntsok Wangyal, l’ont aussi souhaité et ont affirmé que cela respecterait la Constitution et les lois chinoises. En 1956, une commission spéciale, comprenant un membre important du Parti communiste, Sangye Yeshi (Tian Bao) a été nommée par le gouvernement central chinois pour élaborer un plan détaillé d’intégration des zones tibétaines en une région administrative unique, mais les travaux furent ensuite interrompus à cause d’éléments d’extrême gauche.
La raison fondamentale derrière le besoin d’unifier les zones tibétaines en une seule région administrative, c’est de répondre au désir très profondément ancré des Tibétains d’exercer leur autonomie en tant que peuple et de se protéger et de développer leur culture et leurs valeurs spirituelles dans ce contexte. Il s’agit également de la prémisse et du but fondamentaux des principes constitutionnels sur l’autonomie nationale régionale telle que présentée dans l’article 4 de la Constitution [14]. Les Tibétains se soucient de l’intégrité de leur nationalité, que la proposition respecte, ce que ne ferait pas la poursuite du système actuel. Leur héritage historique, leur spiritualité, leur identité culturelle, leur langue communs et même leur affinité particulière envers l’unicité du milieu naturel qu’est le plateau tibétain est ce qui lie les Tibétains en une nationalité. Au sein de la RPC, les Tibétains sont reconnus en tant qu’une seule nationalité, et non plusieurs. Les Tibétains vivant dans des préfectures et des comtés autonomes tibétains incorporés à d’autres provinces sont aussi des nationaux tibétains. Les Tibétains, et cela inclut Sa Sainteté le Dalaï Lama, sont très soucieux de la protection et l’évolution de la culture, des valeurs spirituelles, de l’identité nationale et de l’environnement tibétains. Les Tibétains ne réclament pas l’expansion des zones autonomes tibétaines. Ils ne font que demander que ces zones soient regroupées en une administration unique, comme c’est le cas pour d’autres régions autonomes de la RPC. Tant que les Tibétains ne pourront pas se gouverner eux-mêmes par le biais d’une administration unique, la préservation de la culture et du mode de vie tibétains ne pourra s’effectuer. Aujourd’hui, plus de la moitié de la population tibétaine est assujettie à des priorités et à des intérêts émanant avant tout de différents gouvernements provinciaux dans lequel ils ne jouent aucun rôle significatif.
Le peuple tibétain comme l’explique le Mémorandum, est réellement capable d’exercer une autonomie nationale régionale s’il peut avoir son propre gouvernement autonome, son propre congère populaire et autres organes gouvernementaux administrant et régissant l’ensemble de la nation tibétaine.
Ce principe est inscrit dans la Constitution qui reconnaît le droit des minorités nationales à exercer leur autonomie régionale "dans les zones dans lesquelles elles vivent en communautés concentrées" et à "instaurer des organes de gouvernement local pour l’exercice du pouvoir autonome" (article 4 [14]). Si "l’Etat respecte entièrement et garantit le droit des minorités nationales à administrer leurs affaires intérieures", cela figure dans le préambule de la loi sur l’autonomie nationale régionale, l’interprétation n’inclut pas le droit de choisir de former une région autonome englobant toute la population présente dans les zones adjacentes où vivent certains de ses membres en communautés concentrées ; les principes constitutionnelles sur l’autonomie sont eux-mêmes sapés.
Entretenir la division entre les Tibétains et les soumettre à une législation différente interdisent aux Tibétains d’exercer leur autonomie véritable et les empêchent de maintenir leur identité culturelle distincte. Il n’est pas impossible pour le gouvernement central chinois de procéder aux ajustements administratifs nécessaires alors qu’il l’a déjà fait ailleurs au sein de la RPC, notamment dans les Régions autonomes de Mongolie Intérieure, du Ningxia et du Guangxi.

f) Système politique, social et économique
Sa Sainteté le Dalaï Lama n’a cessé de répéter que personne, et certainement pas elle, n’a l’intention de restaurer l’ancien ordre politique, social ou économique en vigueur au Tibet avant 1959. Un éventuel Tibet autonome souhaiterait améliorer la situation sociale, économique et politique des Tibétains et ne pas retourner à une situation passéiste. La persistance du gouvernement chinois à accuser Sa Sainteté le Dalaï Lama et son administration de vouloir restaurer l’ancien système, malgré les nombreuses preuves du contraire, est perturbante et déconcertante.
Tous les pays et toutes les sociétés du monde, y compris la Chine, ont eu par le passé des systèmes politiques impossibles à accepter aujourd’hui. L’ancien système tibétain ne fait pas exception. Le monde a évolué sur les plans politique et social et a parcouru un chemin considérable en termes de reconnaissance des Droits de l’Homme et de conditions de vie. Les Tibétains en exil ont développé leur propre système démocratique moderne ainsi que leurs propres système et institutions de santé et d’éducation. De cette manière, les Tibétains de la RPC ont également progressé sous le régime chinois et ils ont amélioré dans les domaines social, éducatif, économique et de santé. Toutefois, le niveau de vie des Tibétains est le plus arriéré de toute la RPC et les Droits de l’Homme au Tibet ne sont pas respectés.

6. Reconnaissance des problèmes cruciaux
Sa Sainteté le Dalaï Lama et d’autres membres du gouvernement en exil n’ont aucune demande à caractère personnel à formuler. Les droits et le bien-être du peuple tibétain constituent la préoccupation principale de Sa Sainteté. Par conséquent, le problème fondamental qu’il faut résoudre est l’application fidèle de l’autonomie véritable permettant aux Tibétains de se gouverner eux-mêmes selon leurs propres conception et besoins.
Sa Sainteté s’exprime au nom du peuple tibétain avec lequel il partage une profonde relation basée sur la confiance. En fait, les Tibétains ne sont pas aussi complètement et unanimement d’accord que sur le retour de Sa Sainteté le Dalaï Lama au Tibet. Il est incontestable que Sa Sainteté le Dalaï Lama est le représentant légitime du peuple tibétain et elle est perçue comme son porte-parole et son représentant manifeste. De fait, la question tibétaine ne peut être réglée que par un dialogue avec Sa Sainteté.
Cela souligne le fait que, comme Sa Sainteté l’a souvent déclaré, son engagement pour la cause tibétaine ne vise aucunement la revendication de certains privilèges personnels ou de position politique pour elle ou pour l’administration tibétaine en exil. Une fois l’accord trouvé, le gouvernement en exil sera dissous et les Tibétains en poste au Tibet devront endosser la responsabilité d’administrer le Tibet. Sa Sainteté le Dalaï Lama a clairement affirmé de nombreuses fois qu’elle ne détiendrait pas de position politique au Tibet.

7. Coopération de Sa Sainteté le Dalaï Lama
Sa Sainteté le Dalaï Lama a offert de publier une déclaration officielle (et reste prête à le faire) pour apaiser les doutes et les anxiétés du gouvernement central chinois sur sa position et ses intentions dans des domaines précités.
La formulation de la déclaration devrait s’effectuer après d’amples consultations entre les représentants de Sa Sainteté le Dalaï Lama et le gouvernement central chinois pour s’assurer qu’une telle déclaration satisferait les attentes fondamentales du gouvernement central chinois autant que celles du peuple tibétain.
Il est important que chacun des deux camps exprime ses préoccupations directement à ses homologues et n’utilise pas ces griefs pour obstruer le processus de dialogue, comme cela est arrivé par le passé.

Sa Sainteté le Dalaï Lama prend l’initiative de croire qu’il est possible de trouver un terrain d’entente avec la République populaire de Chine en accord avec les principes d’autonomie inscrits dans la Constitution de la RPC et avec les intérêts du peuple tibétain. Dans cet esprit, Sa Sainteté attend et espère que les représentants de la RPC saisiront l’opportunité que constituent ce Mémorandum et cette note pour approfondir le dialogue et apporter des progrès significatifs pour développer une compréhension mutuelle.


Diffusion du document en langue française :
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NB Les notes de bas de page sont ajoutées par Tibet-info à des fins d’explication, d’illustration ou de compléments d’information et ne font pas partie du document officiel

[1] Voir à ce sujet les articles
- Synthèse du Mémorandum sur l’autonomie effective du peuple tibétain
- Mémorandum sur une autonomie réelle pour le peuple tibétain.

[2] Cf la conférence de presse donnée le 2 février 2010 retranscrite dans China Daily.

[3] Voir l’article Chronologie des contacts sino-tibétains depuis 1979.

[4] Les "trois adhésions", telles que stipulées par le gouvernement central chinois sont :
- 1. le commandement du Parti communiste chinois ;
- 2. le socialisme avec ses caractéristiques chinoises, et
- 3. le système de l’Autonomie nationale régionale.

[5] Voir les articles connexes :
- Des émissaires du Dalaï Lama en Chine pour des entretiens "informels", du 02/05/08
- La Chine et les émissaires tibétains vont poursuivre leurs consultations du 04/05/08
- Emissaires tibétains : déclaration par l’Envoyé spécial du Dalaï Lama, Kasur Lodi Gyaltsen Gyari du 09/05/08
- Entretiens sino-tibétains du 11 juin reportés du 04/06/08
- Reprise des pourparlers sino-tibétains les 1-2 juillet 2008 du 30/06/08
- Dialogue Chine - Dalaï Lama : pas de progrès du 05/07/08
- Dialogue sino-tibétain : 2 points de vue opposés (Lodi Gyari) du 09/07/08

[6] Voir l’article Réunion d’exilés tibétains à Dharamsala sur l’avenir de la cause tibétaine du 15/11/08

[7] NdR Exemple l’Ecosse au Royaume-uni, la Catalogne en Espagne, ...

[8] Voir le document publié par la Chine en français sur china.org.cn

[9] Texte complet de l’article 116 :
"Les assemblées populaires des zones ethniques autonomes ont le droit d’émettre des règlements d’autonomie et règlements particuliers en fonction des particularités politiques, économiques et culturelles des ethnies locales. Les règlements d’autonomie et règlements particuliers des régions autonomes ne peuvent être mis en application qu’après approbation du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire. Les règlements d’autonomie et règlements particuliers des départements et districts autonomes ne peuvent être mis en application qu’après approbation du comité permanent de l’assemblée populaire de la province ou de la région ; de plus, ils doivent être transmis au comité permanent de l’Assemblée nationale pour enregistrement." Source

[10] Texte complet de l’article 120 :
"Les organes autonomes des zones ethniques autonomes peuvent, en respectant le système militaire national et les besoins locaux, après approbation du Conseil des affaires d’Etat, organiser des forces de sécurité publique pour garantir l’ordre social". Source

[11] Voir le texte de ce discours dans cet article.

[12] Texte complet de l’article 36 :
"Les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de religion.
Aucun organisme d’Etat ni aucun groupement social ni aucun individu ne peuvent forcer un citoyen à avoir ou à ne pas avoir de religion, ni faire de discrimination à l’égard d’un croyant ou d’un non-croyant.
L’Etat protège les pratiques religieuses ordinaires. Aucun individu ne peut utiliser la religion aux fins de troubler l’ordre social, la santé des citoyens, nuire au système éducatif de l’Etat.
Les groupements religieux et les affaires religieuses ne doivent subir aucune domination étrangère
. Source

[13] Voir l’article Le gouvernement chinois veut contrôler l’identification des "Bouddhas vivants".

[14] Texte complet de l’article 4 :
"Toutes les ethnies de République populaire de Chine sont égales. L’Etat protège les droits et intérêts légitimes de toutes les ethnies, maintient et développe des relations inter-ethniques fondées sur l’égalité, la solidarité et l’entraide. Toute discrimination ou oppression d’une ethnie, quelle qu’elle soit, est interdite ; tout acte visant à briser l’unité nationale et à établir un séparatisme ethnique, est interdit.
Tenant compte des particularités de chaque ethnie minoritaire, l’Etat aide les régions d’ethnies minoritaires à accélérer leur développement économique et culturel.
Les régions où se rassemblent les minorités ethniques appliquent l’autonomie régionale ; elles établissent des organes administratifs autonomes et exercent leur droit à l’autonomie. Aucune des régions d’autonomie ethnique ne peut être séparée de la République populaire de Chine.
Chaque ethnie a le droit d’utiliser et développer sa propre langue et sa propre écriture, a le droit de conserver ou réformer ses us et coutumes.
". Source.


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