Photos du Tibet parlant d’une histoire de courage

mercredi 6 octobre 2010 par Monique Dorizon

Traduction d’un article de Kate Saunders, dans le journal The Huffington Post.

Parfois une image vous accroche. C’est ce qui m’est arrivé l’autre jour, quand deux images prises au lointain Tibet - par un photographe qui n’avait aucune idée de ce qu’il voyait - sont arrivées dans ma boîte de réception. [1]
Les images représentent, au centre d’une foule, un homme immobile dont le bras a été saisi par un gars d’apparence sévère, en blanc, avec tant de force que son pull au motif à carreaux a été arraché de son épaule. Un moine avec un parasol noir sur son épaule se tient à ses côtés, comme pour le protéger.
C’est une scène électrique. Une intense émotion, mais limitée, est visible sur les visages de toutes les personnes présentes. Il y a une jeune fille, avec une longue queue de cheval noire ramassée dans un chouchou jaune, prenant la main de sa mère, qui se tient immobile, et des petits garçons avec des vêtements à capuchon dont le visage trahit leur vulnérabilité.

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Ronggye A’drak

Les ombres des nuages balayent le paysage, tachetant les prairies, tandis que juste derrière la foule, deux drapeaux rouges flottent au-dessus d’une grande tente tibétaine.
Le photographe a involontairement capturé le moment où un nomade tibétain, Ronggye A’Drak, a été arrêté pour avoir demandé que le Chef tibétain exilé, le Dalaï Lama, soit autorisé à rentrer chez lui. Cela s’est passé lors d’un festival hippique au Lithang, Tibet oriental, le 1er août 2007.
Au cours de la cérémonie d’ouverture, Ronggye A’Drak, 56 ans, un personnage respecté de la communauté nomade, est monté sur la scène - présence inattendue parmi les militaires chinois invités et les dignitaires présents. Il a pris le micro et a parlé avec gravité de la loyauté des Tibétains pour le Dalaï Lama et leur incapacité, due aux circonstances, de pouvoir exprimer ce qu’ils ressentent vraiment. Ces deux images convaincantes saisissent les moments après sa descente de la scène et son arrestation par la sécurité en civil.
Ronggye A’Drak a été condamné à huit ans en prison, il les purge à Mianyang au Sichuan.
L’enregistrement de la déclaration de Ronggye A’Drak – récemment rendue publique [2]- ne peut pas être une représentation plus frappante de la manière avec laquelle l’expression parfaitement courtoise d’un point de vue peut être jugée par les autorités chinoises comme un "crime" pouvant mettre en danger la sécurité de l’Etat. Sans le savoir, ce qu’il a fait ce jour-là au Festival du cheval de Lithang a été précurseur d’une vague de protestations contre la politique du gouvernement chinois et d’appui au Dalaï Lama qui a balayé le Tibet, transformant le paysage politique du Tibet. Aujourd’hui, il existe un nombre incalculable de Tibétains en prison pour avoir dit, tout comme l’a fait Ronggye A’Drak, qu’ils ne peuvent pas exprimer ce qui est dans leurs cœurs et réclament que le Dalaï Lama soit autorisé à revenir chez lui.
Dans un extrait de l’enregistrement de la déclaration de Ronggye A’Drak obtenu par l’organisation International Campaign for Tibet, il déclare :
(…) "Ces choses nous sont arrivées ; avez-vous entendu ce qui nous est arrivé ? Bien que nous puissions déplacer nos corps, nous ne pouvons pas exprimer ce qui est dans nos cœurs. Vous savez ? Ces jours-ci, il y a ceux qui disent que nous n’avons pas besoin du Dalaï Lama. Le Dalaï Lama est celui dont nous, les six millions de Tibétains, avons véritablement [besoin]".
Un témoin oculaire, a déclaré : "Il était très calme, très digne et il a parlé clairement. Les Tibétains autour de moi agitaient leurs tête tristement, car ils avaient peur pour lui, et d’autres étaient ouvertement d’accord avec lui".
En osant réfuter publiquement les représentations de la situation au Tibet par la Chine, Ronggye A’Drak et une nouvelle génération de jeunes Tibétains représentent un défi beaucoup plus complexe qu’auparavant pour le Parti communiste chinois dirigeant. Leurs actions sont fondées sur un sens renouvelé de la solidarité et la fierté de leur identité tibétaine.
Comme beaucoup d’autres qui ont exprimé leur point de vue, Ronggye A’drak, personnage important dans sa communauté locale et père de 11 enfants, savait ce qui l’attendait. Pour avoir exprimé leur loyauté envers le Dalaï Lama ou critiqué les politiques chinoises, les Tibétains affrontent la torture et l’isolement en prison ; certains ne survivent pas à l’emprisonnement.
Là, dans ces images, il y a la main sur l’épaule, plutôt que le coup sur la porte au milieu de la nuit. Sur une des images, Ronggye A’Drak regarde directement le gars à la mine sévère en chemise blanche (son brassard noir en haut sur sa manche droite indique qu’il pourrait être un quelconque citoyen surveillant qui contribue à maintenir l’ordre public), qui fait peut-être la traduction pour un fonctionnaire chinois de la sécurité en civil. Un policier tibétain, casquette de travers, a mis une main sur l’épaule du gars sévère à la chemise blanche comme pour le maîtriser.
Sur la première image, Ronggye A’Drak est montré regardant en bas vers le sol, penché vers un moine vêtu de marron, son attitude toujours digne, avant d’être emmené. Avec en toile de fond les drapeaux rouges du Parti communiste chinois, emblématiques aujourd’hui de la dominance de l’Etat au Tibet, c’est une scène d’intensité presque biblique - la réalité comme capturée dans une peinture par un maître de la Renaissance.

Source : Article de Kate Saunders, Directrice de la Communication pour l’organisation International Campaign for Tibet dans le journal The Huffington Post, 28 septembre 2010

NB Ronggye A’Drak, comme beaucoup de noms tibétains retranscrits, peut avoir différentes orthographes. Vous trouverez par exemple Runggye Adak (utilisé en anglais), Ronggye Adak ou Ronggye Adrak en français (le "r" étant à peine perceptible pour notre oreille n’est pas toujours écrit)


Pour en savoir plus sur Ronggye A’Drak, vous pouvez consulter les articles suivants :
- Des centaines de Tibétains arrêtés suite à une manifestation à Lithang, du 6/08/2007
- Tension très vive dans le Comté de Lithang, du 28/08/2007
- Intense campagne d’éducation patriotique au Lithang, du 17/09/2007
- Quatre Tibétains condamnés pour "activités indépendantistes", du 20/11/2007
- Ronggye A’drak : réponse de Mme Rama Yade, du 4/12/2007

et les demandes d’interventions suivantes :
- Tibet Lib : Intervention pour Ronggye A’drak, du 6/09/2007
- Elevez la voix pour le Tibet aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008, du 6/12/2007
- Cas n° 31 - Ronggye A’drak, du 6/06/2008
- Le cas de Ronggye A’Drak avait également été évoqué dans la Lettre du Tibet n° 91, de décembre 2007

Ronggye A’Drak est parrainé par les villes de Peumerit (29), Gérardmer (88), Cambrai (59) et vous pouvez trouver un dossier sur Tibet Lib ou sur le blog de Tibet Lib

Pour en savoir plus sur le parrainage par les municipalités ou les particuliers d’un prisonnier d’opinion tibétain :
- Action de soutien aux prisonniers de conscience tibétains
- Liste des municipalités parrainant un prisonnier tibétain
- ou la Rubrique Actions de Tibet Info

[1] Ces deux photos sont visibles sur le site du journal The Huffington Post, non reproduites ici pour raison de copyright.

[2] Ronggye A’Drak a été filmé pendant son intervention sur scène. Un extrait de cette vidéo est disponible sur le site de International Campaign for Tibet ou directement ici


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