Poursuite de la répression contre les Tibétains à Nagchu

mardi 17 avril 2012 par Rédaction , Monique Dorizon

Les autorités chinoises ont arrêté trois Tibétains très connus dans la cadre d’une vague de répression dans la Préfecture de Nagchu, "Région Autonome du Tibet", à la suite de protestations contre l’ingérence chinoise dans les affaires monastiques du Comté.

Fin février, les autorités ont arrêté trois personnes - un médecin traditionnel, un homme d’affaires et un professeur du Comté de Driru [1], dans la Préfecture de Nagchu - rapporte un Tibétain en exil ayant des contacts dans la région. La circulation de l’information dans la "Région Autonome du Tibet" a été restreinte dans le cadre d’une vague de renforcement de la sécurité.

Les détentions font suite à une manifestation contre la domination chinoise déclenchée par les moines du monastère de Pekar [2] et impliquant des centaines de Tibétains au tout début de ce mois.
Les trois personnes arrêtées, ayant tous à voir avec la médecine tibétaine traditionnelle, sont toujours portés disparues et sont considérées comme étant encore en garde à vue.

Ugyen Tenzin, 55 ans, spécialiste bien connu dans le domaine de la médecine traditionnelle tibétaine, a été emmené pour interrogatoire par les autorités de Driru le 28 février, a indiqué la source. Il a ensuite été emmené à Lhassa, et enfermé au Centre de détention du Bureau de la Sécurité publique de Lhassa.
"Ils n’ont trouvé aucune preuve incriminante pour l’accuser, mais il est toujours détenu", rapporte une source.
"Il soignait les patients locaux tibétains depuis plus de 30 ans. Il a fourni des soins médicaux gratuits aux moines, aux nonnes et aux étudiants. Il a également étendu la gratuité des services médicaux aux faibles et aux pauvres".

Nyima Tsering, l’homme d’affaires, a été arrêté le 23 février. En plus de diriger une entreprise immobilière et un grand hôtel, Nyima Tsering négociait également le "cordyceps sinensis" , un champignon important dans la médecine naturelle. "Il est l’un des hommes d’affaires en vue dans la région".

Tenzin Thabkey, diplômé du Centre médical du Tibet, était une autre figure influente, détenu par la police de la ville de Lhassa, le 25 février 2012, sur des accusations selon lesquelles il aurait "suscité l’instabilité sociale" poursuit cette même source.
Originaire de la municipalité de Lenchu à Driru, il travaillait comme enseignant dans une école privée de Lhassa au moment de sa détention.

Les détentions sont survenues après que des centaines d’habitants aient protesté à Driru le 8 février 2012, appelant les autorités à cesser de s’immiscer dans les affaires religieuses, demandant l’indépendance et le retour du chef spirituel du Tibet, le Dalaï Lama.
La protestation a été déclenchée par les moines ayant quitté le monastère de Pekar, après que les autorités chinoises aient envoyé des cadres du Parti communiste diriger leur monastère et d’autres monastères à Nagchu dans le but de forcer les moines à subir une "éducation patriotique".

Dans le Comté, après cette manifestation, la répression a été menée par les autorités : envoi de cinq camions de forces de sécurité le lendemain et avertissement aux habitants qu’ils pouvaient être abattus s’ils "ne se contrôlaient pas". [3]
Les autorités ont également menacé de prison les moines tibétains et les nonnes de Driru ayant quitté leur monastère en signe de protestation contre les interférences gouvernementales dans les affaires monastiques.

Les détentions à Driru surviennent en même temps que les mesures de répression dans les zones tibétaines inclues dans les provinces chinoises du Sichuan, du Qinghai, du Gansu, où 33 Tibétains se sont immolés par le feu depuis 2009 en signe de protestation contre le régime de Pékin [4].
Depuis que des manifestations ont balayé la région en 2008, la Chine a emprisonné des dizaines de citoyens tibétains éminents, y compris des écrivains, artistes, chanteurs, et des éducateurs, revendiquant l’identité nationale tibétaine et les droits civils.

D’autre part, dans une zone tibétaine de l’Amdo (actuelle Province du Gansu), les autorités ont abattu un Tibétain après qu’il se soit défendu quand elles vinrent le mettre en détention sur un simple soupçon de participation à un vol d’or dans un magasin.
"Dans la bagarre, il a blessé deux policiers et a été abattu ; il est mort sur le coup", rapporte un Tibétain en exil ayant des contacts dans la région.
L’homme, identifié seulement sous le nom de Tabuk, une trentaine d’années, a été tué le 5 avril 2012 par la police chinoise locale dans la municipalité de Achok, Comté de Labrang, "Préfecture Autonome Tibétaine" de Kanlho. [5]

Sa mort provoqua une manifestation à Sekok, son village natal, dans la municipalité de Achok, lors de laquelle les Tibétains avaient prévu de marcher vers les bureaux administratifs du Comté pour protester contre sa mort.
"Alors, certains lamas très respectés sont intervenus et ont indiqué qu’ils retiraient leur projet de manifester. Ils ont négocié avec les autorités gouvernementales, qui, en compensation, ont accepté de payer 200 000 yuans (24 200 euros environ) à la famille de Tabuk", poursuit cette même source.

L’arrestation avait rappelé aux habitants un autre incident survenu en 2011, lorsque les autorités avaient abattu un Tibétain soupçonné de vol d’or dans un magasin de la ville de Labrang "sans aucune enquête" dit la source.
"Donc, cette année encore, un autre Tibétain, Tabuk, a également été abattu et est mort sur la base du même soupçon. Ces deux victimes sont liées les unes aux autres", a dit la source.
En janvier 2012, les Tibétains ont saccagé le poste de police de la municipalité de Achok après que les forces de sécurité de la municipalité voisine de Nanba à Labrang aient tiré et tué un homme accusé d’avoir volé des matériaux d’un chantier de construction d’un projet controversé. [6]

Le Comté de Labrang abrite le monastère de Labrang, un des plus importants en dehors de la "Région Autonome du Tibet", et fut le théâtre de grandes manifestations contre la domination chinoise en mars 2008.

Source : Radio Free Asia, 10 avril 2012.

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[1] Driru, ou Biru (比如县) en chinois, est à une centaine de kms à l’est de Nagchu (en chinois Nagqu, 那曲地区) et peut être localisée sur cette carte.
Driru, dont le nom signifie "femelle du yack", est un district dans une région accidentée au nord de la "Région Autonome du Tibet" (4 500 m d’alt. environ), près de la rivière Salouen (Nu Jiang, 怒江, en chinois).

[2] Voir l’article "Moines et nonnes abandonnent les monastères", du 03/02/2012.

[3] Voir dans l’article "Ordre est donné de "tirer pour tuer" après une bombe", du 07/03/2012, la mesure prise dans une région voisine, où l’ordre de tirer pour tuer a été expressément donné aux forces de l’ordre en cas de désobéissance.

[4] Voir l’article et la carte récapitulative des immolations.

[5] Labrang se nomme Xiahe Xian ou 夏河县 en chinois. Visualiser Labrang (Xiahe) sur cette carte. Kanlho s’écrit Gannán, ou 甘南藏族自治州 en chinois.

[6] Voir l’article "Chine : la mort d’un Tibétain déclenche une manifestation", du 18/01/2012.


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