Réchauffement planétaire : Les problèmes du Tibet sont aussi ceux du monde

lundi 16 février 2015 par Rédaction , Monique Dorizon

Au cours des 15 dernières années, nous avons entendu beaucoup parler de l’importance du "réchauffement planétaire" (l’augmentation des températures mondiales en raison de l’émission accélérée de gaz à effet de serre), mais l’attention internationale s’est peu portée vers son effet sur le Tibet et ceci est très surprenant puisque ce qui se passe au Tibet aura des répercussions dramatiques, non seulement en Asie du Sud, mais aussi pour le reste du monde.

Le Tibet est le foyer de la calotte glaciaire de "l’Hindu Koush Himalaya" - zone couvrant plus de mille kilomètres carrés et comprenant plus de 46 000 glaciers, en faisant le plus grand réservoir de glace mondial après les pôles nord et sud – c’est pourquoi il est souvent appelé "le troisième pôle". Le réchauffement climatique se traduit par une diminution des glaciers dont la glace fond beaucoup plus vite que la moyenne mondiale et il est prévu que 60% des glaciers du Tibet aient complètement disparu d’ici 2050. Ces statistiques sont choquantes.

Le pergélisol [1] est également en train de fondre à un rythme plus rapide que n’ importe où ailleurs sur la terre et ce dégel, à la fois des glaciers et du pergélisol, en même temps que la modification des régimes pluviométriques, conduit à un changement dramatique de la géographie du pays. Le Tibet possède maintenant 14% de plus de lacs qu’il n’en avait en 1970, et plus de 80% des lacs existants se sont agrandis, inondant les pâturages et les communautés rurales avoisinants.

Ironiquement, parce que ces inondations sont inégales et imprévisibles, de nombreux lacs préexistants ont séché complètement et plusieurs grandes zones humides sont devenues des déserts. La fonte du pergélisol entraîne érosion du sol et glissements de terrain et les conséquences sont déjà visibles. Par exemple, en 2004, des glissements de terrain et des inondations de la rivière Yi’ong [2] ont détruit routes, ponts et des centaines de maisons tibétaines. L’impact sur la vie des communautés locales et l’économie de la région a donc été spectaculaire.

Cependant, il est important de comprendre que ce n’est pas seulement le Tibet qui souffre. Les glaciers tibétains agissent comme source pour 10 des plus grands fleuves d’Asie [3], fournissant de l’eau à 1,3 milliard de personnes - près d’un tiers de la population mondiale - vivant au Bangladesh, au Bhoutan, en Birmanie (Myanmar), au Cambodge, en Chine, en Inde, au Laos, au Népal, au Pakistan, en Thaïlande et au Vietnam. Les glaciers fondant, ces rivières débordent, entraînant des glissements de terrain, la dégradation des sols et l’érosion, la perte des réserves de poissons et une augmentation des maladies d’origine hydrique. Ces effets à court terme sont suffisamment graves, mais les effets à long terme le sont d’autant plus que les glaciers disparaissant et les rivières s’assèchant, tous les pays situés en aval vont souffrir d’une désertification et d’une sécheresse d’une ampleur inimaginable.

Dans le contexte mondial, la fonte du pergélisol est particulièrement préoccupante parce qu’il contient presque deux fois plus de carbone que l’atmosphère à cause de toute la matière organique gelée en son sein. Quand il fond, des gaz à effet de serre (dioxyde de carbone et méthane) sont libérés en une telle quantité que les effets du réchauffement climatique sont grandement amplifiés, accélérant la fonte du pergélisol. Ceci a été appelé la "rétroaction carbonique du pergélisol" et elle est, malheureusement, irréversible.

Sa Sainteté le Dalaï Lama a exprimé sa propre inquiétude au sujet de la disparition des glaciers du Tibet et a demandé qu’une attention particulière soit accordée à l’écologie tibétaine [4]. Alors que plusieurs États de la zone développent des stratégies pour atténuer l’impact de la fonte des glaces tibétaines, il n’y a encore aucun accord multilatéral englobant tous les pays touchés. Toutefois, le récent accord entre les USA et la Chine (les plus grands pollueurs par le carbone dans le monde) en vue de réduire les émissions de carbone, s’il est pleinement mis en œuvre, est une lueur d’espoir et un début prometteur pour la réunion des dirigeants du monde, prévue pour décembre 2015 à Paris, pour finaliser un accord mondial sur la réduction des émissions de carbone. Espérons que, cette fois, la raison prévaudra et que nos gouvernements considéreront les besoins environnementaux mondiaux supérieurs aux besoins économiques et politiques de leur propre pays.

Par Denise Thompson (directrice scientifique retraitée)
Bénévole et chercheur à "Lha Charitable Trust"

Source : Tibet Nature Environmental Conservation Network, 18 novembre 2014..

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[1] pergélisol : terme français pour l’anglais "permafrost", mot plus souvent utilisé, même dans notre langue. Le pergélisol est un sol perpétuellement gelé.

[2] Yi’ong est un village dans le Comté de Nyinchi, dans la "Région Autonome du Tibet". Le lac et la rivière Yi’ong peuvent être visualisés sur cette carte.

[3] Les dix fleuves principaux sont, par ordre décroissant de longueur :

  1. Le Yang Tse Kiang (Yangzi Jiang), en Chine, 6 380 km ;
  2. Le Fleuve Jaune (Huang He), en Chine, 5 464 km ;
  3. Le Mékong, au Tibet, Laos, Birmanie et Thailande, 4 425 km ;
  4. L’Indus (Senge Khabab en tibétain), au Tibet et Pakistan, 3 180 km ;
  5. Le Brahmapoutre (Yarlung Tsangpo au Tibet, Jamuna au Bengale), en Chine, Inde et Bangladesh, 2 896 km ;
  6. La Salouen, au Tibet, Chine (Yunnan), Birmanie et Thailande, 2 815 km
  7. Le Gange (bien que ne prenant pas sa source au Tibet, celle-ci est malgré tout dans l’Himalaya, dans l’état indien de l’Uttarakhand), en Inde, 2 510 km ;
  8. Le Xi Jiang (ou Hsi, fleuve de l’ouest), en Chine, 2 197 km ;
  9. L’Irrawaddy, en Birmanie (source au Tibet), 2 170 km ;
  10. le Tarim, au Turkestan oriental (Xinjiang), se perdant dans le désert du Taklamakan, 2 030 km.

[4] Le Dalaï Lama exprimait déjà son inquiétude dans le "Plan de paix en 5 points pour le Tibet", discours prononcé à Washington en septembre 1987, où le point 4 stipulait : "Restauration et protection de l’environnement naturel du Tibet, ainsi que cessation par la Chine de sa politique d’utilisation du Tibet dans la production d’armes nucléaires et pour y ensevelir des déchets nucléaires", et dans son discours au Parlement de Strasbourg, le 15 juin 1988 où il mentionnait "Le Plan préconise la transformation du Tibet en une zone de paix, un sanctuaire dans lequel l’humanité et la nature pourraient vivre ensemble en harmonie.".


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