Résolution du Parlement européen du 25 novembre 2010 sur le Tibet - projets visant à imposer le chinois comme principale langue d’enseignement

vendredi 26 novembre 2010 par Rédaction , Monique Dorizon

Le Parlement européen a fait part le 25 nov. 2010 de sa "préoccupation" face à la "répression et à la marginalisation de la langue tibétaine", après que des milliers de collégiens tibétains ont récemment manifesté contre l’obligation d’étudier en mandarin.
Dans une résolution adoptée le 25 nov. 2010 à Strasbourg, le Parlement "condamne la répression accrue de l’exercice des libertés culturelles, linguistiques, religieuses et autres libertés fondamentales des Tibétains".
"Avec l’introduction du chinois comme première langue d’enseignement, la qualité de l’éducation pour la grande majorité des lycéens tibétains sera affectée", affirment les parlementaires. "Les matières scolaires devraient par conséquent être uniquement enseignées, de la manière la plus appropriée, dans la langue maternelle tibétaine", ajoutent-ils.

Des milliers de collégiens tibétains ont manifesté la semaine dernière [1] dans le nord-ouest de la Chine contre l’obligation qui leur est désormais faite de suivre leurs cours en mandarin, selon l’association Free Tibet basée à Londres. [2]
Le mouvement a été déclenché par une réforme du système éducatif de ce district imposant l’apprentissage du chinois à tous les élèves et l’introduction de manuels en mandarin également pour toutes les matières, à l’exception de l’anglais et du tibétain, a expliqué cette ONG.
"Chaque minorité ethnique a le droit de préserver sa propre langue et son écriture", a estimé à ce propos le Parlement européen, qui plaide pour "une véritable politique de bilinguisme" dans la province himalayenne, l’apprentissage parallèle du chinois devant permettre aux Tibétains de mieux accéder à l’emploi.

Résolution du Parlement européen

Le Parlement européen,
- vu ses diverses résolutions antérieures sur la Chine et le Tibet et, notamment, sa résolution du 10 avril 2008 sur le Tibet,
- vu l’article 122, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que le respect des droits de l’homme et de la liberté d’identité, de culture et de religion est un principe fondateur de l’Union européenne et une priorité de sa politique étrangère,

B. considérant que la République populaire de Chine a déclaré qu’elle aspirait à des relations ethniques harmonieuses entre les 56 minorités ethniques, [3]

C. considérant que le 19 octobre 2010, un millier d’étudiants d’ethnie tibétaine ont défilé dans Tongren, connu aussi sous le nom de Rebkong, pour s’opposer pacifiquement au plan visant à imposer le mandarin comme principale langue d’enseignement dans les écoles de la région [1] ; considérant que le 23 octobre 2010, la manifestation s’est étendue à la province de Qinghai et à Pékin, où 400 étudiants tibétains de l’université de Minsu ont organisé une manifestation,

D. considérant que la langue tibétaine, l’une des quatre langues les plus anciennes et les plus originales de l’Asie, est un catalyseur fondamental de l’identité, de la culture et de la religion tibétaine, mais qu’elle constitue aussi, comme pour la culture tibétaine dans son ensemble, une part irremplaçable du patrimoine mondial ; considérant que la langue tibétaine, le témoignage d’une civilisation riche du point de vue historique, est un élément fondamental et irremplaçable de l’identité, de la culture et de la religion tibétaine,

E. considérant que les langues expriment les attitudes sociales et culturelles d’une communauté, que la langue partagée d’une communauté est un élément déterminant de la culture, et que les langues véhiculent des comportements sociaux et culturels et des modes de pensée très spécifiques,

F. considérant qu’il a été établi que l’éducation bilingue en langue maternelle est la voie d’accès la plus efficace au bilinguisme réussi pour les Tibétains, et que cette politique d’éducation bilingue a constamment entraîné des taux de placement très élevés pour les collégiens tibétains dans la région tibétaine,

G. considérant que dans les écoles élémentaires, secondaires et collèges dans toutes les régions couvertes par le gouvernement régional autonome du Tibet, la langue tibétaine est peu à peu remplacée par le chinois et que les documents officiels ne sont généralement pas disponibles en tibétain,

H. considérant que les changements de la politique éducative limiteront l’utilisation de la langue tibétaine dans les écoles, car les manuels et matières, à l’exception des cours de tibétain et d’anglais, seront en mandarin,

I. considérant que la République populaire de Chine (RPC), ainsi que 142 autres pays, ont adopté le 13 septembre 2007, la résolution des Nations unies sur les droits des peuples autochtones [4], dont l’article 14 indique que "les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage", [5]

J. considérant que, en raison de la prédominance de la langue chinoise, les étudiants diplômés dans les régions tibétaines sont de plus en plus préoccupés par leur avenir professionnel car, selon la pétition signée par les enseignants et les étudiants, la plupart des étudiants tibétains n’ont jamais vécu dans un environnement linguistique chinois et ne sont donc pas en mesure de communiquer en chinois,

- 1. condamne la répression accrue de l’exercice des libertés culturelles, linguistiques, religieuses et autres libertés fondamentales des Tibétains, et souligne la nécessité de préserver et de protéger l’identité culturelle, religieuse et nationale distincte des six millions de Tibétains ; fait part de ses préoccupations face à la répression et à la marginalisation de la langue tibétaine, qui sous-tend l’identité tibétaine ;

- 2. prend acte des préoccupations suscitées par les tentatives visant à dévaloriser la langue tibétaine, et souligne le fait que, s’il doit y avoir une éducation bilingue réussie, le tibétain doit être la langue nationale ;

- 3. demande aux autorités chinoises d’appliquer l’article 4 de la Constitution de la République populaire de Chine [6] et l’article 10 de la loi sur l’autonomie nationale régionale qui garantit la liberté de toutes les nationalités d’utiliser et de développer leurs propres langues écrites et parlées ;

- 4. prie les autorités chinoises de soutenir une véritable politique de bilinguisme, dans laquelle toutes les matières, notamment les mathématiques et les sciences, peuvent être enseignées en tibétain, où l’enseignement de la langue chinoise est renforcé et où les autorités et les communautés locales sont habilitées à prendre des décisions sur la langue d’instruction ;

- 5. considère que chaque minorité ethnique a le droit de préserver sa propre langue et son écriture ; est d’avis qu’un système éducatif bilingue juste contribuera à une meilleure coopération et compréhension si le peuple tibétain apprend le chinois, que le peuple han vivant dans les zones tibétaines est encouragé à apprendre la langue tibétaine ;

- 6. souligne que, avec l’introduction du chinois comme première langue d’enseignement, la qualité de l’éducation pour la grande majorité des lycéens tibétains sera affectée et que les matières scolaires devraient par conséquent être uniquement enseignées, de la manière la plus appropriée, dans la langue maternelle tibétaine ;

- 7. demande aux autorités chinoises de mettre tout en œuvre pour réduire les désavantages linguistiques et culturels rencontrés par les Tibétains dans l’emploi urbain, mais de manière à ne pas saper la langue et la culture tibétaines ;

- 8. invite la Commission européenne, la haute représentante/vice-présidente et les États membres à exhorter le gouvernement chinois à veiller à ce que, premièrement, le droit d’expression pacifique des étudiants soit respecté et que les autorités compétentes s’occupent de leurs préoccupations de manière substantielle et appropriée et, deuxièmement, que la réglementation de 2002 sur l’étude, l’utilisation et le développement de la langue tibétaine soit correctement mise en œuvre, conformément à la loi sur l’autonomie régionale ethnique ;

- 9. demande à la Commission de rendre compte de l’utilisation des fonds demandés pour l’aide à la société civile tibétaine en Chine et en exil dans le cadre du budget 2009 (1 million d’euros) et souligne la nécessité de préserver la culture tibétaine, en particulier en exil ;

- 10. demande à nouveau à la Chine de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et déplore le traitement souvent discriminatoire des minorités ethniques et religieuses en Chine ;

- 11. demande aux autorités chinoises de permettre aux médias étrangers d’entrer librement au Tibet, y compris dans les territoires tibétains situés hors de la "région autonome du Tibet", et de supprimer le système d’autorisations spéciales ;

- 12. demande aux représentants diplomatiques de l’UE à Pékin de visiter la région et de faire rapport au Conseil et à la Haute représentante de l’Union/vice-présidente de la Commission sur la situation actuelle en ce qui concerne la question de l’éducation et de la langue,

- 13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la Haute représentante de l’Union/vice-présidente de la Commission pour les affaires étrangères et la sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement et au parlement de la République populaire de Chine, et à Sa Sainteté le Dalaï Lama.

Source : AFP, Parlement européen, 25 novembre 2010

[1] Voir les articles
- Manifestation de 6 000 collégiens tibétains à Rebkong, du 20/10/2010
- Poursuite des manifestations d’étudiants au Tibet, du 25/10/2010.
- "Répression sur des écoles tibétaines" du 26/10/2010.

[2] Voir le long article (en anglais) sur le site de Free Tibet Campaign.

[3] NdR La Chine est constituée de 56 "nationalités", ou ethnies différentes. Il y a donc de fait une ethnie majoritaire han (plus de 90 % de la population de la République Populaire de Chine) et 55 "minorités ethniques" (et non 56 comme indiqué).

[4] Voir l’article de présentation sur le site du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le texte intégral de cette résolution en format pdf.

[5] Texte intégral de l’article 14 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones :

  1. Les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage.
  2. Les autochtones, en particulier les enfants, ont le droit d’accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d’enseignement public, sans discrimination aucune.
  3. Les États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant à l’extérieur de leur communauté, puissent accéder, lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue.

[6] L’article 4 stipule :

  • Toutes les ethnies de République populaire de Chine sont égales. L’Etat protège les droits et intérêts légitimes de toutes les ethnies, maintient et développe des relations inter-ethniques fondées sur l’égalité, la solidarité et l’entraide. Toute discrimination ou oppression d’une ethnie, quelle qu’elle soit, est interdite ; tout acte visant à briser l’unité nationale et à établir un séparatisme ethnique, est interdit.
  • Tenant compte des particularités de chaque ethnie minoritaire, l’Etat aide les régions d’ethnies minoritaires à accélérer leur développement économique et culturel.
  • Les régions où se rassemblent les minorités ethniques appliquent l’autonomie régionale ; elles établissent des organes administratifs autonomes et exercent leur droit à l’autonomie. Aucune des régions d’autonomie ethnique ne peut être séparée de la République populaire de Chine.
  • Chaque ethnie a le droit d’utiliser et développer sa propre langue et sa propre écriture, a le droit de conserver ou réformer ses us et coutumes.
    (Source)

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