Saccager la nature tibétaine en refusant l’eau potable !

lundi 20 juillet 2015 par Monique Dorizon , Rédaction

L’unique approvisionnement en eau d’un village tibétain est pollué par un projet de construction de route et les autorités ont refusé de prendre des mesures.

Le projet de construction de route, qui a débuté en avril 2015 dans le Comté de Rebkong [1], consiste à creuser le sol du site de la seule source d’eau potable du village de Shadrang. Les habitants disent que l’eau est devenue très sale, contenant de la boue et des détritus, qu’elle n’est pas potable, ni pour les humains ni pour les animaux.

Les Tibétains ont fait appel aux autorités locales, déclarant : "Nous n’avons pas besoin d’aumône, juste d’eau propre. Nous n’avons pas besoin de céréales, juste d’eau propre". Les autorités ont refusé de faire quoi que ce soit.

Au Tibet, une grande partie du développement des transports et des infrastructures est mise en œuvre sans aucune consultation des populations locales et semble être destinée à faciliter la construction de mines et l’extraction de minerais.
Le plateau tibétain est riche en ressources naturelles que la Chine exploite avec une intensité croissante dans le cadre de son "Plan économique pour le développement du Tibet". Les ressources de la région comprennent l’eau potable, des rivières appropriées pour l’électricité hydroélectrique et des minéraux en grande quantité tels que l’or, le cuivre, l’argent, le chrome et le lithium, ainsi que des combustibles fossiles, notamment le charbon, le pétrole et le gaz naturel.

Alistair Currie, Directrice des campagnes de l’organisation "Free Tibet" a déclaré : "Les projets d’infrastructures au Tibet sont motivés par l’intérêt de la Chine pour l’exploitation des ressources, et non pas par les intérêts des Tibétains. Les routes et autoroutes facilitent l’arrivée des équipements et des travailleurs, et le départ des ressources extraites. A Shadrang, les autorités cherchent à construire une route au lieu de prendre en compte que la seule source d’eau potable de la population locale est une rivière. Cela prouve assez bien ce que sont les priorités de la Chine – même la pollution de cet approvisionnement en eau n’arrête pas ce projet" [2].

La pollution, la destruction de l’environnement et l’accaparement des terres font partie intégrante de l’exploitation économique du Tibet, et du peu de préoccupation du gouvernement de la Chine. Ceci est une source profonde des griefs des Tibétains et de plus en plus une base pour des protestations. L’exploitation des ressources a conduit à des préoccupations environnementales devenant le déclencheur le plus courant des manifestations tibétaines des dernières années. L’exploitation minière est le déclencheur le plus fréquent des manifestations, avec la construction de barrages et la pollution des rivières.
Les manifestations sont des actes individuels, ou bien prennent des formes créatives telles que la décharge des poissons morts dans les bureaux des autorités locales en 2013, ou des manifestations de masse impliquant des centaines ou des milliers de personnes. Beaucoup de manifestations ont atteint une certaine violence.

Dans le Comté de Dzatoe [3], en août 2013, une manifestation a été dispersée par des coups, des gaz lacrymogènes et des coups de feu. Dans le Comté de Dechen [4], en juillet 2014, les manifestants ont été roués de coups par la police et le chef de l’exploitation minière aurait affirmé qu’ils avaient "tous les droits" de les tuer s’ils protestaient à nouveau.
Un rapport de l’organisation "Tibet Watch" souligne le lien spirituel que les Tibétains ont avec leur terre. Certaines montagnes et lacs sont considérés comme maisons physiques de divinités bouddhistes et sont sacrés. Les Tibétains voient aussi les montagnes éloignées et la nature sauvage comme des lieux de retraite et de méditation [5].

Interrogé sur le lien entre les gens et la terre, un Tibétain a expliqué à "Tibet Watch" : "Les Tibétains n’apprennent pas la valeur de la terre grâce à la science, mais grâce à notre religion et de la façon dont nos ancêtres ont protégé notre terre depuis des milliers d’années. Ils ont sauvé la terre pour que la prochaine génération profite de la terre pure, de la beauté de la nature et profite d’un environnement propre et paisible pour vivre".
"Par conséquent, la destruction de la terre, l’exploitation minière des montagnes et des lacs sacrés, sont davantage que la pollution et la destruction de l’environnement. C’est une violation de notre tradition, des croyances religieuses et la destruction de l’héritage de nos ancêtres".

Source : The Tibet Post International, 11 juin 2015.

Voir également ces articles complémentaires :
- "La voie ferrée menace le lac Koko Nor", du 13/11/2006 ;
- "Chemin de fer Qinghai-Tibet : d’importants gisements découverts le long de la ligne", du 31/01/23007 ;
- "Voie ferrée Qinghai-Lhassa : l’impact de cette ligne selon le Dalaï Lama", du 01/02/2007 ;
- "Gigantesques ressources minérales au Tibet", du 13/02/2007 ;
- ""Le Tibet dans un tunnel"", du 01/03/2007 ;
- "Au Sichuan, la police fait feu, tue 3 Tibétains et en blesse 30", du 25/08/2010 ;
- "Extension du chemin de fer de Lhassa à Shigatsé", du 27/09/2010 ;
- "Fort développement de l’exploitation minière au Tibet", du 15/02/2011 ;
- "Manifestations et arrestations autour de l’exploitation minière à Shigatsé", du 15/02/2011 ;
- "Dénonciations de la pollution minière au Tibet", du 10/08/2011 ;
- "La Chine va intensifier ses efforts miniers sur le plateau tibétain dans les prochaines années", du 21/08/2011 ;
- "Prévisions d’un fort développement de l’activité ferroviaire au Tibet", du 08/07/2012 ;
- "L’extraction minière pollue les rivières et fait disparaître des fermes", du 21/01/2013 ;
- ""Ils nous traitent comme des animaux", par Tashi Rabten", du 14/02/2013 ;
- "Les Tibétains tenus à l’écart des revenus de leur sous-sol", du 08/04/2013 ;
- "La catastrophe minière de Lhassa (29 mars 2013) a-t-elle été causée par une "catastrophe naturelle" ?", du 10/08/2013 ;
- "La Chine répond aux manifestations des mineurs du Qinghai par de l’éducation politique", du 09/09/2013 ;
- "Manifestation de villageois contre la pollution minière dans le Comté de Medro Gongkar", du 14/10/2014 ;
- "Treize blessés à la suite de tirs de la police à Tsang Thopgyal", du 21/10/2014. ;
- "Des Tibétains dénoncent la pollution et les dommages environnementaux liés à l’exploitation minière chinoise", du 27/01/2015 ;
- "De nouvelles lignes de chemin de fer au Tibet ?", du 20/03/2015.

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[1] Rebkong ( རེབ་གོང་ en tibétain, Tongren ou 同仁县 en chinois), est situé dans la "Préfecture Autonome Tibétaine de Huangnan (Malho en tibétain)", région tibétaine de l’Amdo et dans l’actuelle province chinoise du Qinghai. Localiser Rebkong (Tongren ou Huangnan) sur cette carte.

[2] Voir l’article en anglais sur le site de Free Tibet : "Tibetans : "We don’t need alms, just clean water. We don’t need grains, just clean water.""

[3] Dzatoe, ou Dza Toe ou Zatö (རྫ་སྟོད་ en tibétain, Zadoi ou 杂多县 en chinois), est un district administratif de l’U-Tsang tibétain, aujourd’hui dans la province chinoise du Qinghai. Il dépend de la "Préfecture Autonome Tibétaine de Yushu" (Jyekundo ou Kyegudo en tibétain).
Localiser Dzatoe (Zadoi) sur cette carte.

[4] Dechen (བདེ་ཆེན་ en tibétain, 德钦 ou Dêqên en chinois) est une "Préfecture Autonome Tibétaine" située dans le sud de la région tibétaine du Kham, aujourd’hui incorporée à la province chinoise du Yunnan.
Localiser la "Préfecture Autonome Tibétaine de Dechen" sur cette carte.

[5] Voir le rapport de Tibet Watch en anglais.


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