Commentaire

Un parfum de jasmin... jusqu’à Pékin

mercredi 26 janvier 2011 par Rédaction , Jean-Paul Ribes

La France tirera-t-elle les leçons de ses bévues tunisiennes ?

Parmi les innombrables leçons de la "révolution du jasmin" en Tunisie, outre sa connotation majoritairement non violente, il en est une qui s’applique assez directement aux relations que nos gouvernements entretiennent avec la Chine.
Lors de sa conférence de presse du 24 Janvier, le Président de la République a reconnu n’avoir pas "pris la juste mesure" de "la désespérance, la souffrance et le sentiment d’étouffer" des Tunisiens. [1]
Si c’est le cas pour un peuple si proche, qui parle notre langue, on peut imaginer la profondeur abyssale de l’ignorance de nos dirigeants sur les souffrances des peuples tibétains et chinois.
Derrière les rideaux de fumées roses mis en place par MM. Raffarin et Accoyer, à quoi ressemble la Chine d’aujourd’hui pour ceux qui nous gouvernent ? Femmes émancipées, étudiants diplômés, taux de croissance élevé [2]. Donc tout va bien, à Pékin comme à Tunis.
Mais la "colère venant d’un sentiment d’injustice, la révolte morale nourrie par une insupportable corruption" [1], est-elle prise en considération, et notamment lors des multiples déplacements de nos élus en Chine ?
Madame Alliot-Marie, que l’on a connue plus en forme (verbale), dispose, à la tête de son cabinet d’un bon connaisseur de la Chine, Hervé Ladsous qui vient de passer quatre ans à l’ambassade de France à Pékin. [3]
L’aveuglement serait donc sans excuse. Donnera-t-elle consigne à ses diplomates d’ouvrir les yeux et les oreilles sur ce que disent les écrivains, les syndicalistes, les écologistes ? Point n’est d’ailleurs besoin de tant d’expertise : nous avons tous en tête des dizaines de cas d’internements abusifs, à commencer par ceux de Hu Jia [4] et de Liu Xiaobo [5] ainsi que des centaines de prisonniers d’opinions récemment répertoriés par le TCHRD [6], chaque jour nous apporte son lot de spoliations de terrains et de biens, de tortures.
Lorsqu’il se rendra en Chine, fin mars [7], Nicolas Sarkozy se souviendra-t-il de ses mots de janvier ? S’enfermera-t-il dans un discours économique, certes nécessaire, mais limité ? Où osera-t-il rencontrer des représentants de la société civile qu’il aura librement choisi ?
Une politique étrangère qui, ignorant les peuples, se limite à la gestion des relations inter-étatiques se condamne à l’aveuglement et finalement à la honte. Comme en Tunisie !

Jean-Paul Ribes

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[1] Extrait du discours du 24 janvier 2011.
"En Tunisie, c’est un peuple frère qui a décidé de reprendre en main son destin. Quand on est si proche, quand les destinées individuelles et collectives sont tellement imbriquées, on n’a pas toujours le recul nécessaire pour comprendre les sentiments de l’autre, bien mesurer ses frustrations et sans doute ses angoisses. Derrière l’émancipation des femmes, l’effort d’éducation et de formation, le dynamisme économique, l’émergence d’une classe moyenne, il y avait une désespérance, une souffrance, un sentiment d’étouffer dont il nous faut le reconnaitre, nous n’avions pas pris la juste mesure. Il y avait le désespoir d’une jeunesse souvent diplômée, qui ne trouvait pas de travail et qui se sentait dépossédée de son avenir. Il y avait une colère qui venait d’un sentiment d’injustice. Il y avait une révolte morale que nourrissait une insupportable corruption. Et puis il y avait une irrésistible aspiration à la liberté trop longtemps étouffée et qui brusquement s’est libérée. Cette libération ne pouvait venir que du peuple tunisien lui-même".
Source : Présentation de la présidence française du G20 et du G8 : Questions / Réponses, Elysee.fr

[2] 6,7% de croissance réelle en Tunisie

[3] Hervé Ladsous a été ambassadeur de France à Pékin de 2006 à 2010. Il est depuis le 24 novembre 2010 directeur de cabinet de la ministre des Affaires étrangères.

[4] Voir le "cas n° 20" soulevé pour les JO2008

[5] Voir l’article "Des intellectuels du monde entier se mobilisent pour Liu Xiaobo" du 24/12/2008.

[6] Voir l’article "Détention par la Chine de 831 prisonniers politiques tibétains".

[7] Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le 24 janvier 2011 une rencontre avec le président chinois Hu Jintao fin mars en Chine, à l’occasion d’un séminaire organisé lors de la présidence française du G20.


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