Des cadres du gouvernement chinois s’emparent de monastères tibétains

mercredi 14 mars 2012 par Rédaction , Monique Dorizon

Un certain nombre de monastères tibétains du Comté de Diru, dans la Préfecture de Nagchu [1], ont été contraints de remettre l’ensemble de l’administration et de la gestion des monastères à des groupes de cadres envoyés par le gouvernement chinois.

Vers la fin du mois de février 2012, des "équipes de travail" formées d’au moins cinq personnes chacune, se sont rendues aux monastères de Taklung et de Choelung et ont organisé des réunions. Lors de ces réunions, les fonctionnaires ont décidé de transférer tous les droits et l’autorité du monastère au gouvernement chinois.
Les "équipes de travail" ont également répertorié les biens des monastères, y compris toutes les antiquités et ordonné aux responsables du monastère de ne faire aucune transaction sans l’approbation officielle.
Ces monastères ont été construits avec des fonds privés et gérés par les moines locaux [2]. Beaucoup de moines plus âgés avaient récolté de l’argent pour le renouveau de ces monastères.
Les "équipes de travail" ont également organisé des séances de "rééducation patriotique" provoquant la réaction hardie de quelques moines demandant aux fonctionnaires si la reconnaissance publique du gouvernement d’accorder la liberté religieuse était en contradiction avec les séances de "rééducation patriotique" [3].
En ayant assez des cours de "rééducation patriotique" et de questionnements constants quant à savoir si eux-mêmes ou quelqu’un de leurs connaissances avaient des liens avec les Tibétains vivant en exil ou s’il y avait des anciens moines de ces monastères qui, maintenant, vivaient en Inde, les moines ont décidé volontairement de quitter le monastère après la mainmise forcée sur leurs monastères par le gouvernement chinois.

Au bureau gouvernemental du Canton dans le village de Markhug, les fonctionnaires de "l’équipe de travail" ont adopté un décret donnant un mois aux moines pour prendre conscience de leurs erreurs et retourner dans leurs monastères à défaut de quoi les fonctionnaires seraient amenés à utiliser d’autres méthodes.
Ce texte a été rédigé après les demandes verbales collectives faites par les Tibétains locaux ayant défilé au bureau du canton et exhorté les "équipes de travail" stationnées là-bas de laisser revenir les moines afin d’éviter la fermeture éventuelle des monastères. Les Tibétains ont dit qu’ils craignaient qu’il n’y ait plus de moines pour procéder aux rites et rituels religieux importants pour la pratique de leur foi. Beaucoup craignaient que, sans les moines, les morts ne puissent pas être incinérés avec les rites et les rituels nécessaires.

Les monastères tels que ceux de Bekar, Drong-na, Rabten [4], et Roggyen ont dû être fermés après que les moines ont organisé un boycott collectif laissant les monastères vides. Dans ces monastères, des représentants du gouvernement ont tenu de nombreuses séances de "rééducation" et tenté de faire hisser des drapeaux nationaux chinois.
Pendant ce temps, les responsables locaux ont ordonné aux chefs des "Comités de quartier" de surveiller les allées et venues dans chaque quartier, dans le Comté. En vertu de cet ordre, aucune famille ne peut abriter des moines ayant quitté leur monastère en signe de protestation. Et si une famille obtient des informations sur de tels moines, elle est tenue d’en informer les fonctionnaires.

Soegyam, un Tibétain chef du village de Layok, Comté de Diru, a été congédié après avoir refusé d’exécuter l’ordre de forcer les moines à retourner dans leur monastère, selon des sources.
Soegyam a dit aux fonctionnaires que les moines ne veulent pas vivre dans la souffrance et la surveillance constante.

Selon les informations reçues par le Centre Tibétain pour les Droits de l’Homme et la Démocratie (TCHRD), au moins 13 fonctionnaires au Tibet ont été licenciés depuis décembre 2011 pour ne pas avoir appliqué les nouvelles directives de sécurité au Tibet. Le 1er décembre 2011, le gouvernement de la "Région Autonome du Tibet" a publié un règlement comportant 18 points donnant des directives pour le traitement et la gestion de ces cadres qui ne parviennent pas à maintenir la "stabilité" au Tibet. L’essentiel de cette réglementation stipule que les cadres ne parvenant pas à appliquer strictement les consignes de sécurité devront faire face à la rétrogradation immédiate suivie d’une poursuite et d’un éventuel châtiment.

Lors d’une réunion dans le village de Layok, les Tibétains locaux ont contesté à nouveau les fonctionnaires de "l’équipe de travail" se plaignant de l’absence de moines pour mener à bien les rituels religieux suite à la fermeture des monastères de la région. Les fonctionnaires à leur tour ont demandé aux Tibétains de leur céder l’argent rituel afin qu’ils puissent, eux les fonctionnaires, accomplir les rites.
Plus tard, suite à la réunion qui a vu des échanges animés entre les Tibétains et les fonctionnaires, un groupe de Tibétains s’est approché du bureau du Canton et a laissé un cadavre avec 3 000 yuans (362 € environs) de sorte que les fonctionnaires puissent observer les rituels de la mort.
Il n’y a pas d’informations sur la situation actuelle dans la zone puisque les lignes téléphoniques ne fonctionnent pas.

Sources : Tibetan Centre for human Rights and Democracy, 12 mars 2012.

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[1] Nagchu (Nagqu ou 那曲地区 en chinois, ནག་ཆུ་ས་ཁུལ་ en tibétain) est une Préfecture de la "Région Autonome du Tibet". Le Comté de Diru, dans cette Préfecture, peut être localisé sur cette carte.

[2] NdR La quasi totalité des monastères détruits avant ou pendant la "Révolution Culturelle" ont été reconstruits grâce à des dons de Tibétains. Seuls quelques monuments très importants, tel le Potala à Lhassa, ont bénéficié de subventions gouvernementales pour être restaurés.

[3] L’Article 36 de la Constitution chinoise stipule :
Les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de religion.
Aucun organisme d’Etat ni aucun groupement social ni aucun individu ne peuvent forcer un citoyen à avoir ou à ne pas avoir de religion, ni faire de discrimination à l’égard d’un croyant ou d’un non-croyant.
L’Etat protège les pratiques religieuses ordinaires.
[...]. (Source)

[4] Parmi ces monastères, seul Rabten a pu être localisé sur cette carte.


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