Jamyang Dorje, portrait d’un patriote tibétain en exil...

Interview de Jamyang Dorje, Directeur du TIPA (Tibetan Institute of Performing Arts)

dimanche 14 mars 1999 par Webmestre

J’ai entendu beaucoup de Tibétains dire que si le Bouddha vivait de nos jours, ils abandonneraient tout pour le suivre sans condition... J’ai entendu beaucoup de Tibétains dire que si Padmasambhava vivait de nos jours, ils renonceraient à tous leurs biens pour le suivre sans hésiter... A ceux-ci j’ai répondu que Chenrezig (Bouddha de la Compassion) est vivant de nos jours à travers le Dalaï Lama et que leur vœu de renoncement est réalisable en servant Sa Sainteté dans son dur labeur pour libérer le Tibet ! Jamyang Dorje

Jamyang Dorje est né à Lhassa et il n’était encore qu’un tout petit garçon lorsqu’en 1960 ses parents fuirent le Tibet avec lui pour se réfugier au Sikkim. Ce futur patriote suivit une scolarité brillante dans une école tibétaine à Mussoorie et trouva un emploi au gouvernement du Sikkim en 1977.
Il y grimpa l’un après l’autre les échelons hiérarchiques en travaillant principalement au ministère du tourisme et au ministère de la culture. Dès 1976, il s’impliqua fort concrètement dans l’action de "libération" du Tibet...
Il fonda l’antenne du Tibetan Youth Congress à Rawangla, puis celle de Gangtok et plus tard il fut à l’origine de la fondation de deux établissements scolaires tibétains au Sikkim.

Ces diverses entreprises fort louables ne lui apportèrent pourtant pas satisfaction dans son action personnelle et il confia son sentiment de culpabilité à Sa Sainteté le Dalaï Lama en 1991 lors d’un séjour au Sikkim.
"Je travaille au gouvernement du Sikkim... je devrais travailler pour le gouvernement tibétain en exil..."
Sa Sainteté le rassura :
"Vous êtes en période de "formation", votre heure viendra..."
En 1994, Jamyang Dorje "renonça à ses biens" (un poste de haut fonctionnaire au gouvernement sikkimais qui lui valait un revenu mensuel de plus de 9 000 roupies et d’autres avantages non négligeables) "pour suivre Son Saint Lama" jusqu’à Dharamsala et l’y servir.
Là, il oeuvra tout d’abord au ministère tibétain de la culture et de la religion pour un modique salaire mensuel de 1700 roupies, mais il ne se plaignit jamais de sa nouvelle situation sociale et financière... En 1995, il fut nommé directeur du TIPA (Tibetan Institute of Performing Arts).

Question Tibet Info : Vous sentez-vous honoré de pareil titre, de pareille situation sociale ?

Jamyang Dorje : Pas le moins du monde !
Je n’ai que faire de ce genre de considération. Je sers mon peuple... Bien entendu il y a des fois où je me dis que ce serait bien si j’avais davantage d’argent car j’ai une famille, trois enfants... Mais je suis satisfait de ma vie car je réalise mon voeu de servir mon Lama... Je crois que j’ai accumulé de grands mérites dans mes vies précédentes pour avoir aujourd’hui l’honneur de servir mon Dalai Lama et mon peuple !

Tibet Info : lors du Festival Himalayen de décembre 1998, vous avez tenu un discours qui encourageait fortement les bonnes relations avec les Indiens et le spectacle comportait beaucoup de numéros indiens. Vos paroles étaient assez inhabituelles si on les compare avec ce qu’on entend en général ici...

Jamyang Dorje : (rire) J’ai pour habitude d’avoir un langage très direct, ce qui n’est pas toujours apprécié de tout le monde... L’Inde est le premier témoin de la situation du peuple tibétain, mais jusqu’à présent ils (les Indiens) étaient préoccupés essentiellement par leurs propres problèmes sociaux et politiques. Selon moi, les Indiens ne sont pas suffisamment informés de la cause tibétaine. J’essaie de remédier à cette lacune. Je connais la société indienne et je suis tibétain, je suis donc à même de faire le lien entre les deux car j’ai pendant de nombreuses années travaillé avec et pour les Indiens au Sikkim.
En tant que directeur du Tipa, je dois accueillir souvent des gouvernementaux indiens (chefs d’état et ministres) et je leur parle très directement de la cause tibétaine et des actions qu’ils pourraient entreprendre pour mon peuple. Je me sers de la culture (Tipa) pour rapprocher nos deux peuples (indien et tibétain) et j’en espère un soutien concret de la part du gouvernement indien pour notre cause.

Tibet Info : Vous ne travaillez donc pas pour la culture tibétaine, juste pour la culture tibétaine ?

Jamyang Dorje : Non, mon seul souci est d’oeuvrer pour la libération du Tibet, la culture n’est qu’un outil...

Tibet Info : Il y a quelques mois à peine, vous avez réalisé un projet surprenant au TIPA : la traduction d’un film indien en langue tibétaine. D’où vous est venue cette idée ? Idée artistique ? Idée politique ?

Jamyang Dorje : Les Tibétains n’ont jamais eu à se battre pour leur identité nationale avant 1959. Ils n’ont même jamais eu le sentiment de patriotisme ou de "nation"... J’ai vu ce film (Shaheed, un film de 1957 (1948 ?) qui relate l’histoire d’indépendantistes indiens qui se sont sacrifiés pour la libération de leur peuple) il y a une dizaine d’années et alors m’est venue l’idée de le traduire en tibétain pour éveiller en mon propre peuple le sentiment de patriotisme et d’unité politique, de ferveur aussi...
En devenant le directeur du Tipa, j’ai eu l’opportunité de réaliser cette idée. J’ai fait moi-même les traductions durant mon voyage en France en octobre 1998 et j’ai trouvé les finances auprès de certains de mes amis personnels...

Tibet Info : c’est vraiment une nouveauté, cette traduction de film... D’autres films en perspective ?

Jamyang Dorje : Oui, je travaille en ce moment sur la traduction de "Kundun" et après je veux traduire "Gandhi"...

Tibet Info : A quoi serviront ces films... politiquement parlant et mis à part le côté divertissement ?

Jamyang Dorje : Nous avons produit 400 copies de Shaheed pour seulement 50 000 roupies. 200 copies sont déjà vendues. j’en ai fait parvenir clandestinement 40 au Tibet...


Si nous connaissons les actes de courage de la résistance tibétaine au Pays des Neiges et si nous en parlons avec émotion et respect, il est juste également de citer ceux qui en exil ont choisi le renoncement et l’action concrète pour libérer leur pays...

Tibet Info (Dharamsala) rapportera régulièrement des portraits de patriotes tibétains en exil.

Toute personne désireuse de soutenir financièrement les projets de traduction de "Kundun" et de "Gandhi", destinés partiellement au Tibet, peut s’adresser pour information à Tibet-Info en France qui retransmettra à Dharamsala.

D.L., Dharamsala, mars 1999


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