Révisions très inquiétantes du Code pénal chinois
vendredi 16 mars 2012 par Rédaction , Monique Dorizon
La Chine a approuvé la révision de son Code pénal qui accorde de larges pouvoirs à la police lors de la détention de journalistes et de ceux qui discutent de questions nationales sensibles, sans charges portées contre eux, qui peuvent être mis en détention secrète pendant un maximum de six mois.
Le 8 mars 2012, les membres du Congrès national du peuple ont adopté un amendement à la loi de procédure pénale qui permet aux suspects considérés comme une menace à la sécurité nationale d’être détenus dans des lieux inconnus, ont rapporté les médias.
Selon la nouvelle loi, la police est tenue d’informer les familles des suspects de leur détention, mais elle n’a pas à dire ni où ni pourquoi les suspects sont détenus, ont rapporté les médias.
Selon des recherches du Committee to Protect Journalists (CPJ) basé à New York, il est habituellement conseillé aux familles des détenus de ne pas parler à la presse étrangère.
Les médias d’État chinois ont salué la loi comme un progrès pour les droits de l’homme, mais des recherches du CPJ montrent que la loi tente de codifier la pratique déjà existante d’arrêter ceux qui discutent des questions sensibles et de les maintenir dans le secret. Les disparitions ont été particulièrement fréquentes en 2011 dans le cadre du renforcement de la sécurité après les appels en ligne pour une réforme politique.
"Le Parti communiste chinois a un long passé d’utilisation des lois afin d’emprisonner des journalistes antiétatiques indépendants" a déclaré Bob Dietz, coordinateur du CPJ pour l’Asie. "Mais cette loi va même plus loin, légitimant les détentions secrètes, sans obligation de rendre des comptes".
Les recherches du CPJ montrent que les policiers et les procureurs font souvent fi de la procédure lors de l’arrestation des journalistes, en particulier dans les régions où il existe des tensions ethniques. Les familles des journalistes tibétains et ouïgours sont souvent complètement ignorantes de la localisation des journalistes pendant la durée de leur procès, de la peine infligée, et même après, de leur libération anticipée.
Au moins 27 journalistes étaient dans les prisons chinoises lorsque le CPJ a mené son recensement annuel le 1er décembre 2011. Plus de la moitié étaient issus de groupes minoritaires [1].
D’anciens détenus politiques ont été frappés par la promulgation d’une loi par le Parlement de la Chine permettant la détention au secret de certains types de suspects de droit commun, y compris ceux qui sont accusés de crimes formulés en termes vagues d’atteinte à la "sécurité nationale", et de terrorisme.
L’Assemblée nationale populaire (NPC) chinoise a adopté la version modifiée de sa loi de procédure pénale, avec le soutien de 92 pour cent des 2 872 délégués présents à la séance de clôture.
Elle permettra de mettre en "résidence surveillée" pour un maximum de six mois des personnes soupçonnées d’activités terroristes et de crimes contre la "sécurité nationale", termes qui sont souvent utilisés pour faire taire les dissidents, accusations qui sont parfois formulées à l’encontre d’opposants pacifiques à la domination chinoise dans le Xinjiang.
Dans de tels cas, la police n’aura aucune obligation d’informer la famille d’une personne détenue de son sort si elle décide qu’informer les parents pourrait "entraver les enquêtes".
Basée à Pékin, Hu Jia, qui lui-même a été détenu 41 jours en résidence surveillée secrète par la police de la sécurité d’État, dit que la loi a effectivement légalisé les "disparitions" de militants des droits politiques et humains.
"Cette loi est effectivement une loi antiterroriste, parce que cela crée effectivement une atmosphère de peur" a dit M. Hu. "Il est évident que toute personne qui critique le gouvernement chinois peut être arrêtée à tout moment et sans aucune obligation d’informer ses proches pendant une durée de six mois".
"Ce serait déjà assez effrayant si on pouvait nous enfermer pendant trois jours" a-t-il dit. "Ce serait assez long pour forcer quelqu’un à signer une preuve qu’il a fait quelque chose de mal".
Basé à Pékin, l’avocat des droits Jiang Tianyong, détenu dans un lieu inconnu pendant 60 jours l’an dernier dans le cadre d’une répression contre les militants provoquée par le printemps arabe, a déclaré que la loi modifiée a été adoptée en dépit de l’opposition forte d’avocats et experts en droit chinois.
"Ces détentions ne se feraient pas dans un centre de détention, mais dans un endroit secret" a dit Jiang. "Cela signifie que les personnes « disparues » n’ont absolument aucune protection de leurs droits, et elles peuvent être détenues pendant un maximum de six mois".
"Franchement, je trouve cela terrifiant", a déclaré Jiang, qui a été soumis à cinq jours de privation de sommeil et d’humiliations au cours de sa dernière "disparition" en février.
Ye Du, militant sur Internet basé à Guangzhou, dit que la loi modifiée pourrait avoir un effet terrible sur la dissidence politique en Chine.
"Il y a même une clause permettant les disparitions forcées". "De plus, des dispositions sont données aux autorités pour utiliser des méthodes technologiques afin de gérer la surveillance des appels téléphoniques et la messagerie électronique".
"Nous allons tous maintenant être encore plus vulnérables face au phénomène de la disparition", a- t-il dit.
L’année dernière a vu une forte augmentation de l’utilisation de la détention arbitraire et de la torture par les autorités chinoises contre les militants des droits, selon l’organisation Chinese Human Rights Defenders (CHRD) basée à Hong Kong.
Le groupe a indiqué dans son rapport annuel, le 10 Mars, qu’il avait documenté le cas de 3 833 personnes détenues arbitrairement pour leur travail dans la défense des droits humains et 159 cas de torture au cours de ces détentions en 2011.
Des groupes de défense des droits de l’homme et des avocats en Chine et à l’étranger se sont prononcés contre les amendements, et une clause étendant la détention secrète à tous les suspects de droit commun a été retirée avant le vote.
Selon Wang Cheng, avocat basé à Hangzhou, la loi contrevient aux obligations de la Chine en vertu des Conventions internationales relatives aux droits de l’homme, et elle est contradictoire avec la constitution chinoise [2].
"Maintenant, les policiers peuvent prétexter les exigences de l’enquête comme excuse pour ne pas informer les familles (des détenus)", a dit Wang. "C’est totalement fou".
"La loi devrait prendre la protection des citoyens comme point de départ". "Cette clause aurait dû être retirée elle aussi", a-t-il dit.
Sophie Richardson, directrice pour la Chine à Human Rights Watch, organisation basée à New York, a déclaré dans un communiqué sur le site Web du groupe que l’objectif déclaré du gouvernement d’améliorer le processus était minée par cette clause.
"Ces dispositions représentent un danger clair pour les détracteurs du gouvernement et les militants des droits humains, et sont en violation flagrante des obligations internationales de la Chine", a déclaré Sophie Richardson.
Cependant, les médias d’État ont salué la nouvelle législation modifiée comme un pas en avant pour la protection des droits de l’homme.
Dans un article intitulé "Une loi pour garantir les droits de l’homme", le China Daily a rapporté que les clauses "controversées" permettant la détention secrète de suspects avaient été enlevées en réponse aux craintes du public de violations par les fonctionnaires du pouvoir.
Cependant, il n’y est fait aucune mention de l’utilisation de l’appellation "atteinte à la sûreté nationale", qui est fréquemment utilisée par le Parti communiste chinois pour emprisonner ses opposants, y compris le Prix Nobel de la Paix, Liu Xiaobo, qui purge une peine d’emprisonnement de 11 ans pour "incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État".
Le militant pour les droits Chen Xi, à Guizhou, Chen Wei au Sichuan, Li Tie à Wuhan et Zhu Yufu à Hangzhou, ont tous eu ces dernières semaines des peines d’emprisonnement allant jusqu’à sept ans, pour "incitation à la subversion du pouvoir de l’État" dans le sillage d’une campagne nationale contre les militants ayant appelé en ligne à une "révolution du Jasmin".
Sources : Committee to Protect Journalists, et Radio Free Asia, 14 mars 2012.
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[1] Parmi eux figurent les Tibétains :
• Dhondup Wangchen
• Kunchok Tsephel
• Kunga Tsayang
• Tashi Rabten
• Dokru Tsultrim
• Buddha
• Jangtse Donkho
• Kalsang Jinpa
• Jolep Dawa
• Choepa Lugyal
Tous sont soutenus par les actions Tibet Lib et Tibet Post.
[2] La Constitution chinoise stipule en effet :
Article 37 : La liberté individuelle des citoyens de la République populaire de Chine est inviolable.
Aucun citoyen ne peut être arrêté sans l’approbation ou la décision d’un parquet populaire, ou sans la décision d’une cour populaire de justice ; toute arrestation est effectuée par les organes de la Sécurité publique.
Sont interdits toute incarcération illégale ou tout autre moyen illégal privant de ou entravant la liberté individuelle des citoyens, et toute fouille corporelle illégale.
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