La Chine joue avec le feu

Edito

mardi 1er avril 2008 par Jean-Paul Ribes

Alors que l’opinion mondiale, médias et gouvernements, est sensibilisée sur la question tibétaine comme elle ne l’a jamais été auparavant, la Chine laisse apparaître une stratégie qui ne repose pas simplement sur son discours traditionnel, du type "les Tibétains sont heureux au Tibet" mais sur des positions beaucoup plus offensives et passablement perverses. Bien que grossières, elles peuvent se montrer efficaces contre les partisans de la cause tibétaine et menaçantes pour l’équilibre mondial.
De quoi s’agit-il ? Dans une toute récente déclaration, le porte-parole du Ministère chinois de la Sécurité, Wu Heping, annonce que les "indépendantistes tibétains" s’apprêtent à commettre des "attentats suicide" contre les intêrêts chinois, à la manière des groupes terroristes radicaux. Il s’agit la de préparer le terrain à une "tchétchénisation" des Tibétains, voire à une "BenLadenisation" de ceux qui, au Tibet ou en exil, réclament plus de liberté pour leurs compatriotes. A travers certains partisans de l’indépendance, c’est surtout agissant dans l’ombre, le "grand satan en robe de moine" qu’il s’agit d’atteindre : le Dalaï Lama. Tout est bon pour prouver l’implication du moine pacifique dans des événements violents plus ou moins manipulés ou provoqués et qui, dans tous les cas, traduisent l’exaspération d’une population soumise à un joug colonial insupportable depuis un demi-siècle.
La télévision chinoise donne le "la" en diffusant en boucle ces attaques de paisibles commerçants chinois par des "voyous tibétains", maladroitement téléguidés, et dont certains habitants de la capitale tibétaine ont dit qu’ils ne parlaient même pas tibétain. Pas une image en revanche de ces protestations de moines du Jokhang, dont les journalistes "embarqués" par les autorités chinoises ont été témoins.
Les mêmes médias aux ordres font état d’armes et de cartouches entreposées dans des monastères en se gardant bien de préciser qu’il s’’agit en réalité d’armes de chasse, déposées là par des braconniers repentis à la suite des campagnes de défense des espèces sauvages menées avec efficacité par les moines bouddhistes. Ce n’est que le début, et nous n’avons sans doute encore rien vu !
Sans sombrer dans une prévision paranoïaque de l’histoire, souvenons-nous de la première tentative des autorités chinoises de faire classer l’administration du Dalaï Lama sur la liste des mouvements terroristes après le 11 septembre, notamment avec le procès de Tenzin Delek Rinpoche, condamné à mort sous l’accusation d’avoir commandité l’explosion d’une bombe à Chengdu. Cette fois, le syndrome du 11 septembre peut aller beaucoup plus loin.
La peur, en effet, du point de vue de certains stratèges cyniques du Politburo, peut présenter le triple avantage de reserrer la "solidarité grand Han", de justifier une répression sans merci en vue d’une solution finale et de déstabiliser les défenseurs de la cause tibétaine.
Comment réagir ? Tous ceux et celles qui, depuis des décennies suivent avec attention la question tibétaine savent au moins deux choses.
- La première, c’est que le moine bouddhiste Tenzin Gyatso a intégralement dédié sa vie à la recherche d’une solution pacifique et conciliante, comme le prouve encore son dernier appel aux "frères et soeurs chinois". Pas facile de le grimer en Ben Laden de l’Himalaya !
- La seconde, c’est qu’au plus fort de leur exaspération, ceux qui, en désaccord avec la "voie médiane [1]" du Dalaï Lama prônent une revendication plus radicale, ont toujours formellement repoussé la voie du terrorisme. Jouer la division sur ce point serait, pour les autorités chinoises, courir à l’échec.
C’est donc bien en renforçant l’audience et la crédibilité longuement méritée du Dalaï Lama, qui, à en croire une délaration de Bernard Kouchner, pourrait être reçu officiellement par les 27 pays européens à Bruxelles, que nous dresserons un barrage à l’intox et à la propagande haineuse de certains stratèges fous du Parti chinois.
Mais c’est aussi en nous préoccupant plus que jamais de tout ce qui peut faire évoluer l’opinion chinoise, à tous ses niveaux, vers une solution tendant à la réconciliation et à l’ouverture et finalement à la meilleure défense possible des intérêts bien compris de la Chine et du Tibet.
Jean Paul Ribes

[1] La Voie Médiane fut la base de réflexion annoncée par le Dalaï Lama en 1974 pour trouver une solution à la question tibétaine, en prônant une recherche de compromis avec le gouvernement chinois. Lorsque des contacts directs avec le gouvernement de Pékin furent établis en 1979, Deng Xiaoping déclara "qu’à l’exception de l’indépendance, tous les problèmes pourraient trouver une solution par la négociation". Cette Voie Médiane est rappelée par le Dalaï Lama dans ses discours prononcés le 10 mars de chaque année


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