Tibet 2008, Xinjiang 2009 : des similitudes frappantes

lundi 13 juillet 2009 par Rédaction

Les similitudes entre les émeutes du Xinjiang et celles du Tibet en 2008 ont frappé de nombreux spécialistes de la Chine, malgré des différences notables.
A Urumqi le 5 juillet, comme à Lhassa en mars 2008, l’éruption de violence a eu lieu au sein de deux minorités ethniques - Ouïghours musulmans turcophones, Tibétains bouddhistes - s’en prenant à des Hans qui personnifient à leurs yeux une politique de sinisation honnie.
Une politique qui a bouleversé les équilibres démographiques, les Hans, ethnie majoritaire en Chine, représentant désormais 75% de la population d’Urumqi et 17% de celle de Lhassa. [1]
Au Xinjiang comme au Tibet, c’est le rejet de la politique "assimilationniste" de Pékin qui a animé les émeutiers : asphyxie de leur culture, de leur langue et de leur religion par des Hans laïcs et sentiment d’être relégués au rang de citoyens de seconde zone sur leurs terres, que la Chine affirme avoir sorties du sous-développement à coups de milliards de dollars.
"La Chine a utilisé la même politique ethnique depuis 60 ans", note Dru Gladney, expert américain du Xinjiang, "ce modèle de développement unique ne marche pas au Xinjiang ni au Tibet où le sentiment identitaire est fort".
Dans les deux "Régions autonomes" du grand ouest chinois, les violences ont été sanglantes : officiellement 184 morts au Xinjiang, 20 au Tibet. Mais selon les exilés "plusieurs milliers" au Xinjiang, plus de 200 au Tibet et dans les provinces voisines.
Dans les deux régions, "ces événements ont mis en lumière le contexte de haine et de peur", juge la tibétologue Claude Levenson.
On a vu "la même passivité relative des forces de l’ordre (...) le même scénario pour les arrestations et les perquisitions, le même langage de mépris envers les ’minorités’ pour mieux défendre les Chinois de souche attaqués par les ’barbares’", ajoute-t-elle.
Les émeutes du Xinjiang, comme celles du Tibet, ont eu un fort retentissement international. Et les diasporas en Occident, ouïghoure comme tibétaine, ont également nourri le flux d’informations - souvent invérifiables, pas toujours fiables.
Dans les deux cas encore, Pékin a imputé les troubles à des personnalités exilées, emblématiques du combat de ces minorités pour leur culture : Rebiya Kadeer, qui dirige depuis Washington le Congrès mondial ouïghour, et le Dalaï Lama, en exil en Inde.
La Chine a donc encore vu la "main de l’étranger" dans ces violences. Dédaigneuse du paradoxe, elle a signifié aux pays qui la critiquaient de ne pas s’ingérer dans ses "affaires intérieures".
Pékin a aussi réaffirmé clairement que le Xinjiang comme le Tibet sont "des parties inaliénables du territoire chinois", souligne Thierry Kellner, chercheur à l’Institut de recherche sur la Chine contemporaine à l’Université Libre de Bruxelles.
Enfin, l’appareil sécuritaire a été utilisé à plein pour réprimer les troubles et les arrestations se sont comptées par centaines au Xinjiang (1 600) comme au Tibet (953) [2]. Pourtant, les différences sont notables.
Le Xinjiang a une importance stratégique que le Tibet n’a pas. Frontalier de huit pays d’Asie centrale [3], c’est la région la plus excentrée de Chine, une immense zone tampon et stratégique qui abrite le site d’essais nucléaire de Lop Nor [4]
Plus riche encore que le Tibet en ressources naturelles, le Xinjiang est la deuxième région chinoise productrice de pétrole, détient aussi beaucoup de gaz et de vastes réserves d’uranium ou de charbon.
En outre, "le Xinjiang borde des zones instables du monde musulman - partie du territoire pakistanais et Afghanistan - et cette caractéristique inquiète bien évidemment les autorités chinoises qui craignent une éventuelle contagion", relève M. Kellner.
Enfin, contrairement au Tibet, Pékin a laissé la presse étrangère aller au Xinjiang. Ceci "semble constituer un progrès", dit M. Kellner. Mais "il ne faut pas perdre de vue que Pékin encadre le travail des journalistes".

Source : AFP 13 juillet 2009

[1] NdR : 17% officiellement, mais les forces de police et de l’armée, extrêmement nombreuses, et les travailleurs migrants non enregistrés ne sont pas comptés dans ce nombre.

[2] 953 selon l’AFP. Selon un officiel tibétain, il s’agirait plutôt de 1 315 personnes arrêtées, comme indiqué dans cet article du 20 juin 2008.

[3] La Russie, la Mongolie et le Kazakhstan au nord, Le Kyrgyzstan, le Tadjikistan et l’Afghanistan à l’ouest, le Pakistan et l’Inde au sud.

[4] Le site de Lop Nor a servi de base de tests pour 45 explosions nucléaires chinoises, dont 23 à l’air libre, entre le 16 oct. 1964 et le 2 mai 1992 (Source).
Lop Nor est également :
- le nom d’un vaste marécage salé au débouché (dans l’est du désert de Taklamakan) du fleuve Tarim,
- et de l’ensemble de la région par extension. Il peut être localisé sur cette carte.


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