Halte à la sédentarisation forcée des nomades tibétains !

dimanche 29 novembre 2009 par Rédaction

Selon les avis de plusieurs scientifiques occidentaux et chinois, la sédentarisation des nomades tibétains répond à des objectifs politiques et ne fait qu’aggraver la dégradation de l’environnement.
L’ITSN (International Tibet Support Network - Réseau international de soutien au Tibet) lance une campagne juste avant la Conférence sur les changements climatiques de l’ONU à Copenhague (du 7 au 18 décembre 2009 [1]), mettant en parallèle les décisions politiques chinoises sur la sédentarisation des nomades tibétains et leur impact sur le haut plateau tibétain.

- La politique chinoise envers les nomades du Tibet - une nouvelle violation des droits humains :

  • La Chine prétend que les prairies du Tibet se dégraderaient en raison d’un sur-pâturage. Sur la base de cet argument, la Chine focalise une part essentielle de ses mesures d’atténuation du réchauffement climatique sur le déracinement et le transfert forcé des populations nomades du Tibet hors de leurs territoires, dans le but officiel d’empêcher toute nouvelle dégradation des écosystèmes du Tibet. En réalité, une récente étude scientifique - menée par des scientifiques chinois - établit que c’est le changement climatique - et non l’utilisation des terres – qui est responsable de 81% des dégradations des prairies situées sur le plateau tibétain près du cours supérieur du Yangtze (cf. étude associant l’Académie chinoise des sciences, l’Administration météorologique de Chine et d’autres organismes universitaires). D’autres recherches récentes vont même jusqu’à affirmer que le système de pâturage pourrait atténuer les effets négatifs du réchauffement climatique quant à l’abondance des pâturages et leur résilience [2]
  • Il s’agit d’une stratégie délibérée de la Chine visant à déraciner et à urbaniser définitivement l’ensemble des nomades du Tibet. Ce déracinement et ce transfert de populations tibétaines se poursuivent sans consultation ni consentement des populations : il s’agit d’une nouvelle violation des droits humains au Tibet.
  • Les médias officiels chinois publient notamment ces chiffres sur les plans de transfert de populations :
    - Au moins 48 000 nomades dans la "Région Autonome du Tibet" (TAR) déjà transférés entre 2001 et 2004 [3] ; 80% des populations nomades de la préfecture de Nagchu (TAR) seront transférées d’ici 2009 [4],
    - Transfert prévu de 560 000 nomades tibétains du Qinghai sur les 5 ans à venir [5],
    - Transfert de 73 700 nomades tibétains de Gannan (province de Gansu) sur 5 ans [6],
    - Transfert en cours de 470 000 nomades tibétains du Sichuan [7] sur 5 ans [8],
  • La Chine a admis une motivation politique à ce transfert définitif des nomades tibétains : les personnes sédentaires sont en effet bien plus faciles à maîtriser. En 2007, Zhang Qingli - le Secrétaire du Parti pour la "Région Autonome du Tibet" – a déclaré que la restructuration des populations de paysans et de bergers tibétains ne visait pas seulement à promouvoir le développement économique, mais surtout à contrer l’influence du Dalaï Lama. [9]
  • Un certain nombre de scientifiques chinois ont critiqué cette politique de transfert des nomades du Tibet, sur la base d’analyses portant sur une série de localités, ainsi que sur des études en Mongolie intérieure et au Turkestan Oriental (Xinjiang) - là où la Chine avait appliqué des plans de transfert forcé de populations nomades dans les années 1950 et 1980 respectivement :
    - Les scientifiques ont ainsi constaté que ce type de stratégie politique augmente les niveaux de chômage et de pauvreté ; elle conduit à une perte de cohésion sociale, à la dislocation des communautés et des familles, avec un accroissement de l’alcoolisme et de la criminalité ;
    - Un chercheur de terrain a établi en 2007 que ces nouveaux centres de sédentarisation définitive aboutissaient à développer les ’’problèmes critiques des villes’’ dans des cités rurales, avec en particulier une concentration de la pauvreté, des niveaux élevés de chômage et des moyens de subsistance fortement dépendant de l’assistance de l’État. Certains de ces villages de relocalisation sont déjà considérés comme des "écoles de délinquance"  [10].
  • En matière de droits de l’homme, les inquiétudes sont vives sur la façon dont la Chine mène sa politique concernant les nomades. Dans un récent rapport, l’ONG Human Rights Watch affirme que "ces transferts de populations sont conduits souvent sans aucune transparence, sans consultation préalable des personnes concernées, ni compensation financière après réinstallation, ce qui est totalement illégal au regard de la loi chinoise, et du droit international" [11].

- Solutions et exigences :

  • La Chine doit arrêter de transférer les populations nomades hors des prairies du plateau tibétain ; elle doit même confier à nouveau l’entretien des prairies du Tibet aux nomades tibétains. La Chine a besoin des connaissances acquises par des générations de nomades concernant les écosystèmes des prairies. Au fil des millénaires, ils ont appris que seule une bonne gestion du plateau tibétain rend la vie des humains possible et écologiquement durable. Les nomades du Tibet jouent un rôle essentiel dans la bonne santé à long terme des écosystèmes et des ressources en eau dont dépend la Chine. Il y a un consensus grandissant au sein des scientifiques chinois, tibétains et occidentaux autour du constat que les connaissances développées au fil des millénaires par les éleveurs nomades sur l’écosystème représentent une composante essentielle de toute solution. [12]
  • La Chine devrait introduire ce qu’on appelle la ’’gestion communautaire des ressources, ou co-gestion communautaire’’ : les nations et les peuples du monde sont désormais conscients du fait que les collectivités locales doivent se trouver au centre de toute solution juste et durable pour déterminer la meilleure façon de gérer les écosystèmes et leurs ressources, notamment en matière d’adaptation au changement climatique. Pour les Tibétains, cela signifie une participation pleine et entière à tout processus de prise de décision et à la gouvernance des ressources naturelles du Tibet. La co-gestion communautaire n’est pas un concept totalement inconnu en Chine : elle est déjà pratiquée dans une partie du projet du cours supérieur des Trois Rivières à Tsanggo Somme, Ch : Sanjiangyuan [13].
  • La Chine devrait envisager d’autres modèles d’adaptation aux changements climatiques, en particulier en s’inspirant de la Mongolie, où l’accent a été mis sur la protection des moyens de subsistance et de la culture des bergers nomades, tout en veillant au bon état et à la productivité de l’écosystème des prairies.
  • La Chine doit mettre fin à toutes les exploitations de terres qui menacent à la fois les écosystèmes du plateau tibétain et ses services écosystémiques, en particulier les ressources en eau.

(préparé par le Comité ’’Tibet 3ème pôle’’ de ITSN ; en remerciant notamment l’association ICT ’’Campagne Internationale pour le Tibet" et son rapport d’étude “Tracking the Steel Dragon” (Sur les traces du dragon d’acier).)

Source : ITSN, 27 nov. 2009

[1] Voir le site officiel de la conférence.

[2] cf. Klein, JA ; Harte, J ; Zhao XQ, 2007.

[3] cf. rapport Chine 2005 de la Commission exécutive du Congrès US

[4] ITSN cite "article Xinhua 2007" (Source non retrouvée)

[5] cf. Xinhua, août 2009

[6] ITSN cite "Xinhua, août 2008" (Source non retrouvée)

[7] Lire l’article "Construction de maisons pour 500 000 bergers tibétains".

[8] cf. Xinhua, 9 avril 2008 et Xinhua, 11 oct. 2008

[9] cf. rapport 2008 du Département d’État américain
Retrouver l’endroit précis dans le texte en recherchant dans la page :
"TAR Party Secretary Zhang Qingli"

[10] cf. l’article de Feng Yongfeng, 2 oct. 2008)

[11] cf. Personne n’a la liberté de pouvoir refuser ; bergers tibétains réinstallés de force dans les provinces de Gansu, Qinghai, Sichuan et TAR”, 2007

[12] Parmi ces experts : Liu Shurun, Dr Katherine Morton, Daniel Miller, etc..

[13] cf. Marc Foggin, 2008.


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