La Chine ordonne la réinstallation de milliers de Tibétains

mardi 8 mai 2007 par Monique Dorizon

McClatchy Newspapers
Dimanche 6 mai 2007
Par Tim Johnson

ZENGSHOL, Tibet - Lors d’une campagne massive - qui rappelle la politique socialiste d’une période précédente - le gouvernement chinois a réimplanté environ 250 000 Tibétains - presque un dixième de la population - habitants de hameaux ruraux dispersés vers de nouveaux "villages socialistes", leur ordonnant de construire de nouveaux logements en grande partie à leurs propres frais et sans leur consentement.

Le gouvernement appelle ce projet "Le programme de logement confortable", et son but officiel est de donner un visage plus moderne à cette région.

Il est dit que les nouveaux logements, installés sur les routes principales, parfois seulement à un mile (1,6 km) des maisons précédentes, permettront à de petits fermiers et bergers d’avoir accès aux écoles et aux emplois, ainsi qu’à une meilleure santé et hygiène.

Mais le but réel semble de vouloir changer le Tibet - une région avec sa culture, sa langue et ses traditions religieuses propres - afin d’avoir un contrôle politique plus ferme de sa population. Ceci se produit alors que la Chine se prépare à l’afflux de millions de touristes pour les Jeux Olympiques de l’été de l’année prochaine.

Les autorités chinoises dépensent des centaines de millions de dollars dans des travaux routiers et des projets de développement au Tibet, développent l’économie, maintiennent une grande présence militaire et une surveillance étroite sur l’ensemble des habitants grâce à un vaste équipement de sécurité via des caméras de surveillance et des informateurs dans les rues des villes et dans les monastères.

Quelques Tibétains, y compris des fermiers interviewés dans le village de Zengshol, disent qu’ils sont heureux d’être dans de meilleurs milieux que dans leurs maisons primitives et traditionnelles de brique de terre. Dans d’autres villages, les escortes chinoises ont empêché un journaliste de parler avec des habitants.

A part le compte rendu d’un média d’état qui affirmait que "des sourires rayonnants sont apparus sur les visages des fermiers et des bergers" pendant qu’ils construisaient et emménageaient dans les nouveaux logements des - ainsi nommés - "villages socialistes", les médias chinois n’ont donné presque aucune information sur la réimplantation obligatoire.

Les journalistes étrangers, du fait des fortes restrictions qui les empêchent grandement de voyager au Tibet, excepté une fois dans l’année sous la surveillance du Ministère des Affaires Etrangères, risquent d’être expulsés de la région s’ils réalisent des interviews.
La première critique du remodelage du paysage tibétain est venue de l’organisation Human Rights Watch basée à New York, qui a parlé des Tibétains se sauvant de leur pays, marchant à travers les montagnes de l’Himalaya vers le Népal.

Lors de plusieurs sorties en dehors de Lhassa le mois dernier, un journaliste de McClatchy a traversé 800 miles (1 300 km) de routes et a été témoin de la transformation obligatoire de la campagne.

Dans les nouvelles installations, les maisons longent les routes à intervalles réguliers, frappant de par leur uniformité. Les installations varient de par leur taille mais sont surtout des bourgades, plus grandes que les villages abandonnés. Le drapeau rouge de la Chine flotte, placé sur chaque maison.

Dans Zengshol, les visages ne rayonnaient pas vraiment, mais les fermiers étaient peu disposés à exprimer leurs plaintes.

Quelques experts disent que les relocalisations ont élevé la paysannerie appauvrie et pourraient apporter la prospérité.

"Cela a créé un boom dans le bâtiment", a affirmé Melvyn C. Goldstein, anthropologue et expert sur le Tibet à l’Université de Cleveland. "Je pense que c’est phénoménalement bien réussi, plus que je ne l’aurais cru". (Ces propos ont été démentis depuis)

Les observateurs de Human Rights Watch ont une autre analyse. Les paysans doivent soustraire de leurs salaires des prêts de plusieurs milliers de dollars pour ces maisons, qui coûtent en moyenne 6 000 dollars alors que les revenus annuels des ruraux sont autour de 320 dollars dans cette région profondément appauvrie.

"Aucun de ceux qui ont été interviewés n’a pu avoir le choix ou refuser de participer à ce programme. Les fonctionnaires locaux détournent fréquemment les fonds assignés, et une partie de la terre que les paysans ont évacuée est employée à des projets de mines ou autres. Les fermiers qui ne peuvent pas rembourser leurs crédits bancaires renoncent au droit d’occuper les maisons" rapporte Human Rights Watch.

La critique la plus forte du programme concerne probablement la manière avec laquelle il a été imposé - sans consultation ou consentement, sans discussion publique. Un retour aux périodes passées où les ruraux ont servi de pions sur l’échiquier du développement.

Les experts chinois ont dit que rassembler des Tibétains était la seule manière de leur fournir des occasions de faire disparaître la pauvreté rurale dans les vallées encaissées des montagnes.

"Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité dans ces secteurs très froids sans même une herbe. Il est presque impossible de les aider sans les déplacer", a dit Liu Hongji du Centre de Recherche chinois en Tibétologie de Pékin.

Quelques experts ont une vision différente, affirmant que les relocalisations peuvent produire une sorte de ressentiment social que la Chine est pourtant désireuse d’apaiser.

"Il semble y avoir beaucoup de mécontentement", a dit Robert Barnett, un expert du Tibet à l’Université de Colombia. "C’est un projet social massif - je ne veux pas l’appeler manœuvre - un changement social obligatoire et fortement réglé, sans les sauvegardes normales de consensus et de consultation".

Il est fait référence à la manoeuvre "sociale" de Joseph Staline qui a voulu déraciner des peuples entiers en Union Soviétique, tels que les Tatars de Crimée et les Tchétchènes, et les déplacer à une grande distance de leurs patries.

Il y a beaucoup d’arguments que les Chinois peuvent avancer pour moderniser la région : que les nouveaux logements forceront des Tibétains à cesser de vivre dans les mêmes logements que leurs animaux, combattant de ce fait la maladie endémique liée à la proximité du bétail.

Mais d’un autre côté, ce que les réfugiés tibétains au Népal ont dit à Human Rights Watch, c’est que les villageois déplacés n’ont plus aucun endroit pour garder leurs animaux, qui sont pourtant leur ressource principale. Ils doivent également marcher plus loin pour atteindre leurs champs.

En raison de la faiblesse du système de santé chinois et l’inattention du gouvernement à la transformation des produits alimentaires, qui a mené à une crise importante sur la nourriture pour animaux aux Etats-Unis et au Canada, les critiques argueront du fait que les améliorations sanitaires sont un argument qui masque les objectifs prioritaires de contrôle politique de la population.

Il existe de vastes conséquences sociologiques à ce programme.

L’implantation de Chinois Hans dans les villes principales du Tibet a déjà affaibli l’influence des élites tibétaines traditionnelles. "Les villes sont en déclin", a dit Goldstein, se rapportant à la démographie d’un point de vue tibétain. "Le dernier espoir est de maintenir les villages intacts. S’il y a un champ de bataille pour l’identité tibétaine, il est dans les secteurs ruraux."

Et les secteurs ruraux, au moins en apparence, au cours d’une visite de 11 jours d’un reporter, sont sous un contrôle chinois de plus en plus fort.


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