La Chine prévoit davantage de barrages et de grandes infrastructures au Tibet

mardi 26 avril 2016 par Monique Dorizon , Rédaction

Le nouveau plan quinquennal de la Chine appelle à un nouvel élan pour l’hydroélectricité et les grands projets d’infrastructure sur le plateau tibétain déjà frappé par la désertification et le changement climatique.

La Chine vient de faire paraître son 13ème plan quinquennal qui définit le schéma directeur économique et social du pays et promet d’être le plus "vert". Il fait ressortir l’objectif du gouvernement de faire passer la grande économie des combustibles fossiles et de l’industrie lourde vers les énergies renouvelables et la croissance verte.
Mais le plan donne également le feu vert à un certain nombre de grands projets hydroélectriques et d’infrastructure au Tibet - source des grands fleuves d’Asie - marquant une nouvelle ère de l’industrialisation de la région écologiquement fragile.

Bien que le plan ne mentionne pas de rivière en particulier, de nouveaux projets de barrages sont possibles sur le Yarlung Zangbo (Brahmapoutre), le Lancang (Mékong) et le Nu (Salouen) - compromettant potentiellement le futur approvisionnement en eau pour l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-est.

Il y a un certain nombre de questions politiques clés dans ce plan qui aura une incidence sur le plateau tibétain et les régions himalayennes de l’Hindou Koush [1]. Pour atteindre ses objectifs d’énergie renouvelable, la Chine - déjà constructeur de barrages le plus prolifique au monde - devra exploiter encore plus l’hydroélectricité. Le plan appelle à l’expansion à grande échelle de projets hydroélectriques dans le sud-ouest de la Chine - ce qui signifie le Yunnan, le Sichuan et le plateau tibétain du Qinghai.

Trois des rivières identifiées dans le passé pour l’expansion de l’hydroélectricité à grande échelle dans cette région sont les rivières transfrontalières qui proviennent du plateau tibétain - y compris le Lancang (Mékong), le Nu (Salouen) et le Yarlung Zangbo (Brahmapoutre). Le Brahmapoutre coule en Inde puis au Bangladesh avant de fusionner avec le Gange. Tout projet hydroélectrique sur cette rivière va exacerber les tensions avec les pays en aval, inquiets pour leur avenir d’approvisionnement en eau.
Ayant peut-être conscience de cela, le nouveau plan prévoit la nécessité de "développer et exploiter scientifiquement les fleuves internationaux" et "d’approfondir la coopération avec les autres pays riverains, le long des rivières".

La Chine a récemment pris des mesures pour prendre contact avec les pays du Mékong, mais peu de progrès ont été accomplis avec l’Inde au sujet du Brahmapoutre, à part la fourniture par la Chine des données du débit de l’eau et des avertissements d’inondation pendant les mois de mousson. Le nombre d’institutions chinoises et ministères dédiés à ces questions a aussi proliféré.
La plus grande partie de la nouvelle capacité hydroélectrique sur les fleuves internationaux devrait être ajoutée sur le Lancang (Mékong) et le reste sur le Yarlung Zangbo (Brahmapoutre).

La multiplication controversée de barrages sur la rivière Nu (Salouen) a été suspendue pendant 10 ans dans une annonce surprise du gouvernement provincial du Yunnan en février 2016, bien que certains observateurs soient sceptiques sur le maintien de cette interdiction.
Nu est la dernière grande rivière de la Chine qui coule en grande partie libre vers le Myanmar (Birmanie). Les barrages prévus ont été la cible de campagnes de la société civile, rares en Chine, dans le passé.
Plus de détails sur des projets spécifiques hydroélectriques seront publiés dans le plan annuel du secteur de l’énergie, plus tard au cours de cette année.

Le Plan continue de promouvoir la construction de dérivations d’eau à grande échelle et de barrages de stockage - ainsi que des objectifs de réduction d’utilisation de l’eau - comme solutions majeures à la pénurie d’eau.
La Chine va avancer dans le suivi des travaux sur les routes centrales et orientales du "Projet de dérivation d’eau Sud-Nord", mais il n’y a aucune mention explicite de la route de l’ouest, la plus controversée, passant sur le plateau tibétain.

La santé de l’environnement du plateau tibétain - la source des grands fleuves d’Asie - sera cruciale pour environ 1,3 milliard de personnes qui vivent dans les bassins fluviaux en aval, en Chine, en Asie du Sud, Asie du Sud-est et en Asie centrale.

Avec des températures sur le plateau augmentant trois fois plus vite que la moyenne mondiale, les effets du changement climatique ont déjà couté cher à l’écosystème fragile et sont importants à l’échelle mondiale.
Dans la deuxième semaine de mars 2016, le développement "vert" du Tibet est devenu un sujet brûlant au Congrès national du peuple (CNP) à Pékin [2].

Alors que l’économie globale du pays a ralenti, la "Région Autonome du Tibet" a maintenu des taux de croissance de 11%, bien au-dessus de la moyenne nationale. Cela a été alimenté par l’investissement du gouvernement central dans les infrastructures et les services publics.
Le financement pour la construction d’une deuxième ligne de chemin de fer reliant la capitale tibétaine Lhassa avec la ville de Chengdu a été confirmé, suscitant un débat public rare sur les compromis entre l’économie et la protection de l’environnement dans la région.
"L’environnement écologique du Tibet ne sera pas lésé" affirme Padma Choling, Vice-secrétaire du parti du Tibet, aux journalistes en marge de la réunion. Mais étant donné le relief abrupt à travers des gorges profondes et de hautes montagnes, ce sera un immense projet d’ingénierie, qui peut prendre une dizaine d’années.

Des préoccupations ont été soulevées au sujet de l’impact environnemental de la première ligne de chemin de fer vers Lhassa - la plus haute du monde qui a été ouverte en 2006 et atteint 5 000 mètres. Sur le haut plateau, la fonte du permafrost sous les voies menace de faire capoter le projet. Une étude d’une équipe de l’Académie chinoise des sciences (CAS) de Pékin avertit que si les températures augmentent de deux degrés, dans plus de 60% de la région, les infrastructures existantes pourraient s’effondrer puisque le sol deviendrait trop mou pour supporter leur poids.

Dans l’ensemble, le 13ème plan quinquennal vise à accélérer le développement des infrastructures et intégrer le Tibet plus étroitement avec le reste de la Chine. En plus du nouveau chemin de fer, il y aura de nouvelles routes pour stimuler la croissance industrielle et celle du tourisme, et connecter les villages de montagne éloignés dans les zones frontalières.

Lobsang Gyaltsen, Président de la "Région Autonome du Tibet", affirme que la protection de l’environnement est la base du développement au Tibet - et il aimerait mieux un développement plus lent que de voir l’environnement naturel endommagé, mais les défis environnementaux sont déjà immenses. Un rapport d’évaluation scientifique majeur publié à la fin de l’année dernière par le TAS - organe scientifique majeur de la Chine - a révélé que de vastes zones du plateau tibétain souffrent de désertification et que la situation ne fera qu’empirer, réduisant potentiellement les débits de l’eau pour le reste de la Chine et l’Asie du Sud.

La "Région Autonome du Tibet" a introduit des mesures d’approbation plus strictes pour les projets miniers et Jamcan, Président du Gouvernement de la "Région Autonome du Tibet" a souligné que le gouvernement ne mettrait jamais en œuvre des projets à haute pollution ou consommation d’énergie élevée.
Cependant, en même temps, les responsables locaux tentent de stimuler les industries génératrices de revenus en poursuivant l’exploitation minière, le tourisme et la production d’eau en bouteille - qui pourraient être en désaccord avec le gouvernement central qui prévoit de préserver l’écosystème fragile du plateau.

D’autres initiatives qui pourraient être en contradiction avec les objectifs de conservation de l’environnement comprennent la construction de la station de ski la plus haute du monde, à l’extérieur de Lhassa et des projets de développement du tourisme.
L’initiative "One Belt One Road" [3] est au centre du "Nouveau Développement" de la Chine. Le nouveau document n’ajoute que peu de détails du plan sur l’amélioration des investissements d’infrastructure et la connectivité à travers l’Asie et l’Europe et l’Afrique. Mais il met particulièrement l’accent sur la création d’axe de coopération économique entre la Mongolie, la Russie, l’Asie centrale, le Pakistan, le Bangladesh, l’Inde et le Myanmar.
Des inquiétudes apparaissent pour que la Chine utilise cette initiative pour déplacer la surcapacité du pays et l’industrie lourde polluante à l’étranger, mais le Premier ministre Li Keqiang a souligné les opportunités des entreprises chinoises de services environnementaux et de technologie verte

Dans le cadre du plan et de la campagne "Rivière de la vie", une action de grande envergure a été lancée pour protéger le fleuve Yangtze, troisième plus long fleuve du monde, avec des usines polluantes fermées, des zones humides restaurées et la pêche limitée.

Source : The third Pole.net, 21 mars 2016.

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[1] L’Hindou Koush est chaîne de hautes montagnes en Afghanistan et au Pakistan.

[2] Congrès national du peuple : réunion parlementaire annuelle de la Chine où le plan quinquennal a été approuvé et lancé.

[3] Voir l’article "Connexion du Tibet avec le commerce international", du 10/02/2015.


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