La Chine rejette l’universalité des Droits de l’Homme dans un récent Livre blanc

mardi 28 mai 2013 par Rédaction , Monique Dorizon

Dans le cadre de son activité de propagande pour le prochain Examen Périodique Universel [1], qui aura lieu du 21 octobre au 1er novembre 2013, le Bureau d’information du Conseil d’État chinois a publié un Livre blanc intitulé "Progrès des Droits de l’Homme en Chine en 2012".

Sans surprise, le Livre blanc fait l’éloge des progrès chinois en matière de droits, pointant presque exclusivement les bénéfices de la poursuite du développement économique de la Chine.
Cependant, derrière l’autosatisfaction et les statistiques, se cache la philosophie sous-jacente des Droits de l’Homme, méconnaissant fondamentalement le système international des droits humains. Le Livre blanc de la Chine ne reconnaît pas la nature indivisible et universelle des Droits de l’Homme, ni que la garantie des droits humains exige des actes et pas seulement de simples proclamations creuses.

Selon le Livre blanc, les droits humains sont divisibles et n’ont rien à voir avec le fait de considérer le développement économique et les droits correspondants comme très important. La première partie du Livre blanc concerne "les Droits de l’Homme dans la construction économique" et affirme "qu’il serait impossible de protéger les droits et intérêts des personnes sans d’abord développer l’économie afin de nourrir et vêtir les gens".
La rhétorique de la Chine sur l’importance du développement économique avant même le domaine des droits civils et politiques n’est pas nouvelle. Pendant la Guerre froide, aussi bien les États capitalistes que communistes ont souvent défendu soit des droits civils et politiques, soit des droits économiques, sociaux et culturels et ont ignoré l’autre. Cette division était un outil politique et n’a jamais exactement représenté le système international des droits humains ou la philosophie des Droits de l’Homme.
Affirmer que la subsistance est nécessaire avant que tous les autres droits ne soient donnés ne fait que reconnaître la moitié du système des Droits de l’Homme et tombe dans le faux choix de la rhétorique de la Guerre froide.
Il est vrai que le droit à la subsistance est nécessaire pour la jouissance des autres Droits de l’Homme, mais ce n’est pas particulier aux droits économiques, comme le prétend la Chine. Si les gens sont torturés ou tués, cela ne fait pas beaucoup de différence si leurs estomacs étaient pleins ou non au moment où leurs droits ont été violés. Il leur est également impossible d’exercer d’autres droits humains s’ils sont arbitrairement arrêtés ou battus. Bien que la majorité des 117 auto-immolations aient eu lieu en 2012, le Livre blanc maintient un silence de plomb sur la question, alors que les autorités chinoises continuent à détenir, arrêter, torturer publiquement ou secrètement, et condamner les Tibétains pour avoir été soi-disant impliqués dans l’instigation et l’incitation à l’auto-immolation.

Ne pas reconnaître que les droits non-économiques sont nécessaires à la réalisation de tous les Droits de l’Homme ne tient pas compte de l’indivisibilité des Droits de l’Homme sur laquelle le système international des droits humains est fondé. Un État ne peut pas choisir quels Droits de l’Homme donner et lesquels ignorer, mais le Livre blanc semble suggérer que la Chine peut le faire.
Ceci est particulièrement inquiétant, car la Chine est le premier "défenseur" des droits humains avec 1,3 milliard de personnes qui, littéralement, vivent et meurent en fonction de la manière avec laquelle le gouvernement chinois considère et applique les Droits de l’Homme.

Par ailleurs, le Livre blanc reprend le concept du développement économique à l’extrême, bien au-delà de simplement nourrir et habiller les gens.
Les documents internationaux relatifs aux Droits de l’Homme listent les droits nécessaires pour vivre dans la dignité. Les gens qui manquent de nourriture ou de sécurité personnelle doivent faire valoir leurs droits alors que celui qui a la subsistance et la sécurité personnelle a rarement besoin de réfléchir sur les droits dont il jouit objectivement.
Malgré cela, le Livre blanc prend des exemples de gens qui profitent vraiment de leurs droits et ignore ceux qui revendiquent activement leurs droits. Comme exemples de progrès économique et culturel, le Livre blanc mentionne de bonnes choses qui ne font pas partie des Droits de l’Homme tels que les voyages internationaux privés à l’étranger, la possession d’une voiture, le revenu disponible, les jeux en ligne, et les installations sportives. En revanche, il n’est pas fait mention des besoins des personnes les plus vulnérables, tels que le fardeau de la dette croissante pour les nomades tibétains réinstallés, les Tibétains recevant pour le même travail un salaire inférieur à celui d’un Chinois ou les abus très fréquents exercés sur les prisonniers.
Le Livre blanc indique qu’en Chine les Droits de l’Homme n’existent que pour les riches, pouvant utiliser leur argent pour voyager à l’étranger et acheter des voitures, et pas pour les pauvres et les plus vulnérables de la société. La Chine ne parvient pas à reconnaître que les droits humains sont universels et doivent s’appliquer à toutes les personnes, indépendamment de leur richesse ou influence politique.

Le Livre blanc traite des Droits de l’Homme comme d’une abstraction sans substance réelle en assimilant proclamations de soutien aux Droits de l’Homme et progrès.
Toutefois, les droits humains ne sont pas mis en œuvre à travers des valeurs abstraites, des aspirations ou des proclamations. Les droits humains sont mis en œuvre à travers des pratiques spécifiques qui fonctionnent effectivement pour garantir les droits prévus par les Conventions relatives aux Droits de l’Homme. Par conséquent, les statistiques sur le nombre d’écoles construites dans toute la Chine fournies par le Livre blanc n’ont pas de sens sans savoir combien d’enfants sont effectivement scolarisés.

De même, le nombre de lois et règlements administratifs adoptés par la Chine n’a pas de sens si les lois ne sont pas appliquées. En Chine, il y a deux différents types de loi : la loi-dans-les-livres et le droit dans la réalité. Le Livre blanc se concentre uniquement sur la loi-dans-les-livres et échoue à discuter vraiment des questions relatives aux Droits de l’Homme. Par exemple, la loi chinoise interdit la torture mais les gardes chinois torturent systématiquement les prisonniers et ne font face à aucune conséquence pour violation de la loi chinoise, comme en témoigne l’absence d’effort pour cacher contusions ou fractures causées par la torture.
La loi chinoise-dans-le-livre soutient les Droits de l’Homme, mais, sans prise de mesure, elle est tout aussi dénuée de sens comme toute autre loi chinoise ou proclamation.
Si la Chine était déterminée à donner les droits humains, le Livre blanc aurait inclus des cas de tortionnaires ayant été punis. A tout le moins, la Chine pourrait permettre à des organismes indépendants, tels que la Comité international de la Croix-Rouge de visiter les prisons. Au lieu de cela, le Livre blanc assimile le progrès à des promesses.

Même lorsque la Chine adopte des lois relatives aux Droits de l’Homme, ce n’est pas certain qu’elles améliorent réellement les droits humains. Par exemple, le Livre blanc proclame fièrement que la Chine gère de manière dynamique le secteur religieux. Lorsque l’État tente de contrôler la religion en approuvant certaines religions et pratiques religieuses, il y a peu de consolation à trouver dans le fait que le règlement ait été fait selon la loi.
L’aspect le plus troublant du Livre blanc est la philosophie sous-jacente. Le Livre blanc fonctionne sur l’hypothèse que les Droits de l’Homme sont divisibles et plus importants pour les riches que pour les pauvres et les marginalisés. Il tente en outre d’occulter le fait que les droits humains sont utiles et nécessitent une mise en œuvre efficace, non seulement dans les livres, mais dans la réalité tout aussi bien.

La compréhension des Droits de l’Homme que le Livre blanc présente est non seulement datée (dépassée), mais également incompatible avec le système des Droits de l’Homme. Jusqu’à ce que la Chine soit en mesure de répondre à cette question, tout changement dans ses performances réelles dans le domaine des Droits de l’Homme restera essentiellement superficiel. Lors du prochain Examen Périodique Universel, les États devraient traiter de l’incompréhension fondamentale de la Chine vis-à-vis du système des Droits de l’Homme et réclamer une réforme réelle de la manière dont la Chine comprend et applique les droits humains.

Source : Tibetan Centre for Human Rights and democracy, 21 mai 2013.

Vous avez apprécié cet article ? Faites-le suivre à vos amis intéressés par ce sujet !

Abonnez-vous à la Lettre d’informations de Tibet-info, ou retrouvez Tibet-info sur Facebook , Twitter ou par fil RSS.

[1] L’Examen Périodique Universel est un mécanisme nouveau et unique des Nations Unies commencé en avril 2008 et qui consiste en l’examen de tous les pays du monde, tous les quatre ans et demi, sur leurs pratiques en matière de Droits de l’Homme.
Voir le site de lUPE.


<:accueil_site:> | <:info_contact:> | <:plan_site:> | [(|?{'',' '}) | <:icone_statistiques_visites:>
<:info_visites:>

<:icone_suivi_activite:> fr  <:icone_suivi_activite:>   <:icone_suivi_activite:>    ?    |    <:ecrire:titre_sites_syndiques:> OPML   ?

<:site_realise_avec_spip:> 2.1.13 + AHUNTSIC

https://www.traditionrolex.com/4