Dénonciations de la torture au Tibet

mardi 5 juillet 2011 par Rédaction , Monique Dorizon

Le dimanche 26 juin 2011, lors de la Journée internationale de soutien aux victimes de la Torture, Gu Chu Sum [1], groupe d’anciens prisonniers politiques, a déclaré que la torture était systématiquement pratiquée à l’encontre des Tibétains par les autorités chinoises.
"Chocs électriques, coups de pied et tabassage, mise à nu, jets d’eau bouillante sur le visage, position debout pieds nus sur la glace, sont couramment utilisés par les autorités chinoises sur les prisonniers politiques tibétains dans une vaine tentative de destruction de leur esprit et de leur volonté".
"En dépit des tentatives du gouvernement chinois de montrer son unité ethnique au reste du monde ainsi que ses projets et travaux pour aider le Tibet, en réalité, c’est une série de politiques d’inégalité et de discrimination à l’encontre des minorités ethniques qui est pratiquée".
"Pour cette raison, le peuple tibétain ne peut plus subir cette règle de violence".

Selon les avocats et les chercheurs, de manière habituelle, le gouvernement chinois a établi une discrimination contre les minorités ethniques dans son système judiciaire.
Des analystes ont déclaré que la campagne de Gu Chu Sum met en évidence un système dans lequel toute forme d’opposition ou de plainte déposée par les Tibétains - ou d’autres groupes ethniques minoritaires - est susceptible d’attirer une réaction violente de la part du Parti communiste au pouvoir.

Tenzin Tethong, expert en études tibétaines à l’Université de Virginie [2], dit qu’au cours de leur formation, on a inculqué des idées racistes aux forces de sécurité chinoises au Tibet.
Il cite l’histoire d’un lama nommé Jigme, du monastère de Labrang au Sichuan, qui a été emmené pour interrogatoire dans un camp militaire.
"Les soldats étaient du Sichuan, et ils lui ont dit : « Saviez-vous que ces armes que nous portons ont été faites dans le but de tuer les vieux Tibétains comme vous ? »"
"En bref, ils ne maintiennent ni la paix ni la sécurité ; ils ont une attitude discriminatoire envers les minorités ethniques, qui leur a été inculquée pendant de nombreuses années par le gouvernement", dit Tenzin Tethong.

Le monastère de Kirti, dans la Préfecture de Ngaba, à majorité tibétaine, au Sichuan, a été assiégé par le personnel de sécurité chinois depuis qu’en signe de protestation contre la domination chinoise, un jeune moine s’est immolé par le feu le 16 mars, puis est décédé. [3]
Et les récentes manifestations des bergers et des étudiants mongols contre la destruction des prairies locales ont déclenché un afflux massif de troupes en Mongolie intérieure, à la fin du mois de mai.

Tenzin Tethong dit que Pékin caractérise souvent le discours sur les droits de l’homme comme l’amélioration des conditions économiques, ou une arme politique dans les mains des pays occidentaux désireux d’attaquer la Chine.
"Mais le problème réside davantage sur la différence avec laquelle la Chine mène l’application du droit entre l’ethnie majoritaire han et ses minorités ethniques", a-t-il dit.
"Chaque fois que les Tibétains s’opposent au gouvernement chinois pour une raison quelconque, pour des raisons environnementales, religieuses ou linguistiques ... les fonctionnaires locaux transforment cela en quelque chose hautement politique et très sensible", a déclaré Tenzin Tethong.
"Donc la probabilité qu’ils utilisent la violence (contre les Tibétains) est beaucoup plus importante qu’à Shanghai ou Pékin".

L’avocat défenseur des droits, Xie Yanyi, a convenu que les préoccupations des minorités ethniques de la Chine ont été trop facilement politisées.
"Quand cela arrive, je crois qu’alors vous y voyez des violations des droits de l’homme et un système qui est destructeur de la primauté du droit".
Cependant, Xie dit qu’il n’a pas vu un usage systémique [4] de la torture à l’échelle nationale dans le système judiciaire de la Chine.
"M’appuyant sur certaines situations auxquelles j’ai participé, je peux dire que dans très peu de cas la torture a été utilisée au cours des interrogatoires", a déclaré Xie, qui est basé à Pékin.
Il ajoute : "Il n’existe aucune torture systémique, mais elle est beaucoup plus susceptible de se produire secrètement, hors du cadre juridique, par exemple en camps de travail, dans les centres de désintoxication, d’enfermement psychiatrique, ou au cours de résidence surveillée ou de soi-disantes « disparitions »".
"Je ne pense pas que cela soit systémique ... mais c’est encore une mauvaise habitude, un comportement habituel".

La semaine dernière, Richard Gere, à Pékin, lors d’une exposition de ses photos prises dans la région himalayenne, s’en est pris à la torture et aux crimes perpétrés au Tibet.
Une photo montre plusieurs dessins illustrant la torture de nonnes tibétaines par les autorités chinoises, que Gere a déclaré avoir trouvés sur le mur d’un couvent à Dharamsala, la ville indienne où est basé le gouvernement du Tibet.

Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a appelé les gouvernements à prendre des mesures efficaces pour prévenir la torture, qui, dit-il, ne peut jamais être justifiée.
"Il n’existe aucune circonstance exceptionnelle que ce soit, aussi bien un état de guerre, ou une menace de guerre, l’instabilité politique interne ou toute autre situation d’urgence nationale ou de sécurité publique". "Lors de la Journée internationale de soutien aux victimes de la Torture, nous honorons les hommes et les femmes qui ont souffert, subi leur épreuve avec courage et force intérieure", dit-il. "Nous pleurons, aussi, ceux qui n’ont pas survécu".
Ban Ki-moon se félicite de l’ajout récent de la Convention internationale pour la Protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées dans le droit international relatif aux Droits de l’Homme, décrivant la disparition forcée comme une autre manifestation de la torture.
"À une époque où les aspirations légitimes des gens dans de nombreuses régions du monde à une plus grande liberté, la dignité et une vie meilleure rencontrent trop souvent violence et répression, j’exhorte les États à respecter les droits fondamentaux de tous", dit-il.
"La torture et autres formes de traitements et punitions cruels, dégradants et inhumains, partout où ils se produisent et quelles que soient les circonstances, ne peuvent jamais être justifiées".

Navi Pillay [5], Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme a averti que ceux qui commettent des tortures pourraient être traduits en justice.
"La torture est illégale et si elle est effectuée sur une base systématique, peut constituer un crime de guerre ou un crime contre l’humanité", dit-elle.
"Ni un état d’urgence, ni un conflit, ni la lutte contre le terrorisme, ni la lutte contre la criminalité n’excusent l’usage de la torture".
Navi Pillay ajoute que la torture est aujourd’hui toujours largement pratiquée partout dans le monde.
Le Fonds de contributions volontaires des Nations-Unies pour les victimes de la Torture dit qu’il a été obligé de réduire le financement des services psychologiques, médicaux et sociaux pour des milliers de survivants de la torture dans le monde entier, faisant allusion à une réduction des contributions volontaires des États membres.

Source : Radio Free Asia, 27 juin 2011.

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[1] Gu Chu Sum, dont le site Internet est souvent bloqué, dispose d’une page d’explication sur Wikipédia.
Voir également cette page de contacts de Gu Chu Sum

[2] NdR L’article original indique "expert en études tibétaines à l’Université de Virginie", mais Tenzin Namgyal Tethong travaille également à l’Université de Stanford, en Californie.

[3] Voir les articles :
- "Un jeune moine s’immole par le feu à Ngaba", du 17/03/2011
- "De nouvelles restrictions faites aux moines de Ngaba", du 24/03/2011
- "La police armée chinoise boucle le monastère de Kirti à Ngaba", du 14/04/2011
- "Crise au monastère de Kirti : appel à l’aide de l’Administration centrale tibétaine", du 23/04/2011
- "Après les avoir niés plus d’un mois, la Chine reconnait qu’il y a des troubles au monastère de Kirti", du 27/04/2011
- "Poursuite de la répression à Ngaba", du 10/05/2011
- "Tension toujours très forte dans la région de Ngaba", du 27/05/2011
- "La répression continue pour les moines du monastère de Kirti", du 04/06/2011
- "Tibet Lib : intervention pour Lobsang Dhargye", du 20 juin 2011
- "Des centaines de moines du monastère de Kirti sont obligés de partir, expulsés ou détenus.", du 21/06/2011
- "Des moines du monastère de Kirti refusent de participer au rassemblement pour la prière "mise en scène" par les autorités chinoises", du 21/06/2011

[4] Le terme "systémique" est utilisé intentionnellement à plusieurs reprises dans cet article, traduction de "systemic use", et non "systématique" qui semblerait convenir également ici. Par définition, "systémique" signifie "Qui a rapport à un système considéré dans sa totalité".

[5] Navi, ou de son vrai nom Navanethem Pillay, est Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme depuis le 28 juillet 2008.


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