Plainte pour génocide : trois moines tibétains entendus par un juge espagnol

mardi 20 mai 2008 par Rédaction

Trois moines tibétains ont été entendus comme témoins le 19 mai 2008 en Espagne par un juge instruisant une plainte pour génocide contre le peuple tibétain, visant notamment l’ancien président Jiang Zemin [1] et l’ex-Premier ministre chinois Li Peng [2]. Cette plainte fait suite à 8 ans de recherche menée par le Dr José Elías Esteve, et a abouti à une plainte déposée le 28 juin 2005 à Madrid.
Le juge madrilène Ismael Moreno a entendu pour la première fois Palden Gyatso [3], Janpel Monlam [4] et Bhagdro (ou Bagdro) [5], trois moines exilés qui ont tous effectué des peines de prison en Chine pour "activités contre-révolutionnaires" au Tibet. Tenzin Tsundue, prévenu trop tardivement par le juge, n’aura pas la possibilité de se présenter devant la Cour.
En apprenant qu’il devrait aller à Madrid, Palden Gyatso déclara : "plus de cinquante ans après le génocide de mon peuple, qui a causé la mort de plus d’un million de Tibétains des suites de l’occupation militaire, une Cour de Justice va enfin se mettre à l’écoute de nos souffrances. Il y a quelques années quand j’étais en train de subir la torture en prison au Tibet, mon rêve était qu’un jour nous puissions témoigner devant une cour de justice de toutes les horreurs subies par nos milliers de frères et soeurs".
Le magistrat de l’Audience nationale instruit depuis juin 2006 [6] une plainte pour "génocide, crimes contre l’humanité, torture et terrorisme contre le peuple tibétain", déposée par une ONG, Comité de soutien au Tibet (Comite de Apoyo al Tibet), et la Fondation Maison du Tibet - Barcelone, dirigée par le moine exilé Thubten Wangchen.
Outre Jiang Zemin et Li Peng, cette plainte vise cinq présumés responsables chinois de la répression au Tibet dans les années 1980-90.
La justice espagnole a accepté d’instruire cette plainte en raison de la compétence universelle qu’elle s’est reconnue en 2005 en matière de génocide et de crimes contre l’Humanité, au motif que "le principe de juridiction universelle prime sur l’existence ou non d’intérêts nationaux".
Ce jugement historique est le premier cas de justice cherchant à définir pénalement le traitement du peuple tibétain par l’Etat chinois, où plus d’un million de Tibétains ont été assassinés ou sont morts pendant l’occupation chinoise du Tibet, et où plus de 90% des institutions culturelles et religieuses ont été détruites.
Les trois moines se sont déclarés satisfaits à la sortie de leur audition, expliquant aux journalistes avoir pu décrire les "souffrances des Tibétains" et les vexations et tortures dont ils affirment avoir été victimes pendant leur détention.
"Le Tibet est soumis à la dictature de la Chine", a dénoncé Thubten Wangchen qui accompagnait les trois moines à leur audition.
"Notre souhait est que s’instaure un dialogue entre le Dalaï Lama et (le président chinois) Hu Jintao", a-t-il ajouté, appelant l’ONU à "ne pas se taire" face à la répression chinoise au Tibet.
L’avocat des trois moines tibétains s’est plaint pour sa part que le juge n’ait pas laissé ses clients s’exprimer sur tous les sujets qu’ils souhaitaient aborder. Il a annoncé qu’il réclamerait une nouvelle audition.
Depuis le début de son instruction, le juge de l’Audience nationale a envoyé des commissions rogatoires à Londres et au Canada pour interroger des victimes et témoins des faits dénoncés par la plainte.
L’Audience nationale a reconnu le 12 mai dernier n’avoir pas les "moyens suffisants" pour enquêter sur les génocides et crimes contre l’humanité commis dans d’autres pays quand il n’y avait pas de victimes espagnoles. Ce tribunal instruit actuellement plusieurs affaires pour "génocide", notamment au Guatemala, en Argentine, au Rwanda.

Source : AFP 19 mai 2008

[1] Jiang Zemin, Président de la République populaire de Chine de 1993 à 2003

[2] Li Peng, Premier ministre de 1987 à 1998

[3] Palden GYATSO - Le feu sous la neige - Mémoires d’un moine tibétain
Le témoignage de Palden Gyatso est l’un des récits de souffrances et d’endurance les plus extraordinaires qui soient. Ce moine, âgé de vingt-huit ans lors de son arrestation, au tout début de l’occupation du Tibet par les Chinois, ne fut libéré qu’en 1992, alors qu’il avait presque soixante ans.
Durant ses trente-deux années d’incarcération, Palden Gyatso subit la torture, la famine ainsi que d’interminables séances de "réforme de la pensée". Il refusa néanmoins de céder à ses oppresseurs. (…)
"Le Feu sous la neige" offre un aperçu vivant de l’histoire récente du Tibet depuis l’invasion de 1949-1950. Palden Gyatso y évoque les terribles années de la révolution culturelle en faisant preuve d’une compassion profonde pour tous ceux qui ont souffert comme lui. (…)
Son compte rendu aidera ceux qui le liront ou l’entendront (à l’occasion de ses conférences) à comprendre la manière dont les structures et les traditions d’une ancienne civilisation bouddhique ont été brutalement anéanties. (…)

"J’attends avec impatience le jour où le Tibet redeviendra un pays en paix dont tous les habitants vivront ensemble en harmonie. Nous n’y parviendrons pas tout seuls, et s’il n’a rien prouvé d’autre, Palden Gyatso a démontré que nous ne sommes pas impuissants et que, même individuellement, nous pouvons changer le cours des choses. J’ai donc bon espoir que son exemple inspire ses lecteurs au point qu’ils accordent leur soutien bienveillant à la cause tibétaine".
(Sa Sainteté le Dalaï Lama - Extrait de la préface)
Editions Actes Sud, oct. 1997, 320 pages, 22,56 €
ISBN 978-2-7427-1358-5

[4] Janpel Monlam : un ancien moine du monastère de Drepung, qui a subi la torture pour avoir voulu témoigner de ce que fut la répression infligée aux Tibetains en mars 1989. Cette répression avait été décidée personnellement par le Secrétaire du Parti Communiste Chinois au Tibet, à l’époque Hu Jintao, devenu depuis l’actuel Président de la Chine.
Jampel Monlam est maintenant directeur-adjoint du Centre Tibétain des Droits de l’Homme et de la Démocratie.

[5] cf Film "Autonomie sous haute surveillance. Témoignage du vénérable Bagdro, ancien prisonnier d’opinion au Tibet, au Festival du film sur le Tibet, Grenoble, 26 mai 2008.
- Bhagdro est un ancien moine du monastère de Ganden, arrêté en mai 1996 avec 60 autres moines, et torturé pour avoir refusé de coopérer avec la campagne de re-éducation patriotique menée dans les monastères tibétains pour amener les moines à avilir le Dalaï Lama.

[6] NdR juin 2006 selon la dépêche AFP, mais juin 2005 à notre connaissance


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